Extrait :
Extrait de l'introduction :
«Doit être tenu pour invention tout apport du milieu intérieur au groupe technique. L'apport sera tantôt un corps technique entier comme l'agriculture, tantôt un objet nouveau dans une technique, comme la charrue, tantôt un organe, comme le soc métallique de la charrue, enfin un détail sur un organe comme le versoir du soc de charrue.»
La définition de l'invention technique qu'André Leroi-Gourhan nous propose ici concerne un objet, une partie d'objet ou ce qu'il appelle un corps technique. À cette sorte d'invention, on peut ajouter celle de réalités techniques moins tangibles. Ainsi, des stratégies inédites d'exploitation du territoire ou de nouveaux procédés de chasse comme le rabattage ou l'affût ne présentent pas la forme d'un outil mais n'en constituent pas moins de réelles inventions techniques. L'archéologue peut d'ailleurs parfois déduire indirectement leur existence à partir des vestiges que ses investigations mettent au jour.
Ainsi, le présent essai s'intéresse à l'invention technique sous toutes ses formes et abordera également à l'occasion des inventions considérées traditionnellement comme non utilitaires, telles les premières sépultures ou les plus anciennes manifestations d'ordre artistique, même si celles-ci ne sont pas exemptes d'une certaine technicité.
Nous parlerons constamment ici d'«invention» et d'«innovation». Il faut donc préciser d'emblée ce que ces deux mots désignent. Pour les historiens des techniques, l'innovation est l'application technique de l'invention, et elle est soumise aux impératifs économiques. Les économistes font une distinction comparable, l'invention relevant de la technique et l'innovation de l'économie. Cette conception est proche de celle des archéologues anglo-saxons pour qui l'invention consiste à concevoir quelque chose d'original et de nouveau, qu'il s'agisse d'une idée, d'un comportement ou d'un objet. L'adoption de cette invention par les membres de la communauté, qui seule peut déboucher sur une innovation, suppose que tous l'acceptent et l'utilisent.
C'est ce type de distinction que nous adopterons ici, moyennant quelques adaptations. «Invention» désignera le premier stade de l'innovation, laquelle est le processus qui conduit de la conception d'une idée nouvelle à son acceptation et à son application généralisée. Et nous verrons qu'une invention ne débouche pas toujours sur une innovation.
Une fois adoptée, une innovation va subir des modifications, améliorations ou adaptations à tel ou tel besoin. Pour Gilbert Simondon, on peut distinguer dans le progrès technique les perfectionnements mineurs, continus, qui ne modifient pas fondamentalement l'objet technique et qui peuvent être aussi peu essentiels que les modifications entraînées par des phénomènes de mode, des perfectionnements majeurs, discontinus, qui procèdent par «mutation» ; ce sont ces derniers qui font réellement évoluer l'objet technique.
Présentation de l'éditeur :
Quel est le processus qui conduit de l'invention d'une technique par un individu à des applications techniques ou sociales au sein d'un groupe ? Que se passe-t-il dans le cerveau de celui qui, portant soudain un regard neuf sur des procédés techniques routiniers, conçoit qu'une modification, une amélioration ? À partir de quelle époque de son évolution biologique l'espèce humaine a-t-elle été capable de ce genre d'opération mentale ? Et quand l'idée nouvelle a germé, quelles conditions doit remplir le groupe pour qu'elle reçoive un accueil favorable et entre dans les habitudes ?
Poser ces questions, et y répondre, c'est tracer la frontière entre les grands singes et l'homme actuel.
C'est mieux comprendre notre évolution.
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