Extrait :
Helena Cuthbertson ramassa le Times froissé aux pieds de son mari et entreprit de le repasser dans la buanderie.
Lorsqu'elle avait suggéré d'en acheter deux exemplaires afin que chacun puisse profiter du sien à l'état neuf, Richard était entré dans une rage folle. Des semaines durant, il l'avait accusée d'extravagance, et la situation n'avait fait qu'empirer lorsqu'elle avait fait remarquer que c'était avec ses deniers que l'on payait le journal.
Alors qu'elle repassait - une corvée qu'elle s'imposait à elle-même -, elle se prit à regretter son veuvage d'après-guerre : elle lisait alors le Times quand ça lui chantait, sans être obligée d'attendre. Tandis qu'elle remettait les pages dans l'ordre, elle se demanda comment un homme qui mettait un temps fou à survoler les gros titres et les faits divers parvenait à saccager ainsi le journal. Helena parcourut la buanderie du regard : la pièce était loin d'être bien rangée. Il faudrait y remédier, mais rien ne pressait. Elle sortit dans le jardin, traversa la pelouse de camomille et s'installa dans une chaise longue pour lire le journal. Richard dormirait encore une heure avant de faire des histoires pour décider lequel d'entre eux irait à la gare le soir, et dans quelles chambres on installerait les neveux et nièces - comme s'ils ne choisissaient pas toujours par eux-mêmes. Richard prétendait que son mauvais caractère et sa maniaquerie étaient dus aux gaz qu'il avait inhalés dans les tranchées. Tout en tournant les pages, Helena s'interrogeait sur cette interprétation. Elle posa le journal et, fermant les yeux, offrit son visage aux rayons du soleil. Les nouvelles n'étaient pas bonnes. Malgré la foi touchante de Richard en Mr Chamberlain, on pouvait craindre que Calypso, Walter, Polly et Oliver aient droit à leur dose de gaz. Sophy aussi, bien entendu. Helena avait tendance à l'oublier, si petite, si jeune et si calme au milieu de l'exubérance des autres. Elle devrait faire un effort pour Sophy. Elle n'avait jamais eu d'enfant, et Richard non plus. Calypso était la fille unique du frère aîné de Richard, John Cuthbertson, un obscur avocat de province flanqué d'une épouse jolie mais insipide. Polly et Walter étaient les enfants du frère cadet, Martin Cuthbertson, un chirurgien en passe de devenir célèbre. Oliver, enfin, était le fils unique de Sarah, la soeur aînée, mariée à George Anstey, un fonctionnaire distingué.
Présentation de l'éditeur :
Derrière la maison, la pelouse de camomille s'étend jusqu'aux falaises de Cornouailles. Chaque été, les cinq neveux de Richard et d'Helena s'y retrouvent. Dans la chaleur étourdissante, c'est le temps béni des baignades, des après-midi paresseux. C'est aussi le retour des jeux entre cousins, où la petite Sophy en pince pour Oliver, qui lui est fou de Calypso, qui elle attend son prince charmant.
Mais nous sommes en août 1939 et, dans une Angleterre en guerre, ce qui d'ordinaire aurait paru inconcevable se dénude. Tout est exacerbé, surtout l'amour. Qu'importent les liens du mariage ou les bombardements, les conventions sont transgressées avec délice. Le tout sur un ton un rien osé et délicieusement impertinent.
Née en 1912 près de Windsor, Mary Wesley, cosmopolite et bohème, a vécu en France, en Italie et en Allemagne. C'est à l'âge de soixante-dix ans qu'elle publie son premier roman, entamant ainsi une carrière aussi féconde que tardive. Elle est décédée en 2002.
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