Un mot de l'auteur :
D'abord, bien sûr, j'ai abordé la rive Ravel par sa musique.
Parallèlement, ne connaissant pas du tout l'homme, j'ai plongé dans plusieurs biographies, récits et critiques... En ai remonté des sacs d'anecdotes, des traits de caractères, des manies... certaines me touchaient, certaines surtout faisaient étrangement échos en moi... Ainsi ses insomnies m'inspirèrent très vite cette «île d'Insomnie» où le temps et la vieille horloge radotent, radotent...
Ainsi ses coquetteries, le Maurice Ravel tiré à quatre épingles, dandy, cambré, chaussé de souliers vernis crissant et gloussant comme des rires de petites filles.
Ainsi sa passion, venue de son père ingénieur, pour les automates, elle m'a fait remonter de mon enfance mon propre «petit singe tambour»à clef, qui devient le Gibraltar de l'histoire...
L'amour pour sa mère, basque espagnole. Sa mort laissant Ravel inconsolable. Ainsi devient-elle Celle qu'il guette, Celle qu'il attend, Celle qu'il entend, peut-être, de la plage : la Grande Vague Verte à l'accent rocailleux qui roule les «r» comme sa mère... Celle qu'il veut rejoindre.
... Je notai son addiction à la cigarette... Ainsi, son piano devient-il, dans MONSIEUR RAVEL, un piano à vapeur...
Ensuite, il m'a fallu ordonner toutes ces malles d'images, d'expressions, de métaphores...Alors, comme au cinéma, il m'a fallu les monter, patiemment, avec ses musiques choisies... Oscillant entre belles et mélancoliques envolées de «Pavane pour une infante défunte» et les impertinences et humour de «L'Enfant et les Sortilèges»
Puis, quand tout a été prêt, texte, illustrations, le grand bonheur, pour moi, de raconter, avec ma voix, ce «rêve sur l'île d'Insomnie»...
Frédéric Clément
Extrait :
Monsieur Ravel s'ennuie la nuit sur l'île d'Insomnie.
SANS DOUTE UN GRAIN DE SABLE
OU UN GRAIN DE PAVOT,
UNE GRAINE DE PAVANE
OU UNE ÉPINE DE ROSE
s'est niché entre les dents de la vieille horloge. Et quand un grain de sable, un grain de pavot, une graine de pavane ou une épine de rose se fiche entre les dents d'une horloge, le temps s'arrête, net.
Irrémédiablement.
Et l'horloge radote, radote, radote.
La grande aiguille fait des efforts désespérés pour passer le chiffre douze. Tricote, tricote, tricote. Et pendant ce temps-là, la vieille horloge égrène ses quatre cents coups.
SEMPITERNELLEMENT.
Trois heures. Voilà des temps et des temps qu'il est... trois heures.
Il a bien essayé de mettre à l'eau son lit-bateau ; une fois, deux fois, dix fois de prendre le large. Mais dix fois le lit-bateau, ballotté, s'est échoué sur la plage. Il a bien essayé de mettre un moteur mécanique à la poupe de son lit-bateau. Mais Monsieur Ravel, étourdi, a perdu la clef dans un creux d'oreiller ou dans un trou de mémoire.
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