Extrait :
Je suis né le cordon ombilical autour du cou, un premier bijou qui, déjà, avait l'avantage de n'être pas très onéreux.
Cet épisode ne peut être un souvenir. Je n'ai appris comment s'est déroulée ma mise au monde qu'il y a peu et par le hasard d'une de ces conversations que vous n'avez qu'à la Noël et à laquelle je ne participais pas. Ma mère ne m'en avait jamais parlé auparavant, car, d'après elle, je l'avais évidemment toujours su. Jusque-là, seuls quelques cols trop ronds, pire, quelques cols roulés que je portais malgré moi parce que je n'avais pas encore atteint l'âge légal pour choisir moi-même mes vêtements, me rappelaient cette sensation d'étranglement qui m'était familière mais dont j'ignorais l'origine. Ils étaient un peu ma madeleine, mais moi, j'avais envie de vomir.
Dès la naissance donc, ma mère me coupa la parole, et il y a fort à penser que lorsque le docteur Couetty me libéra de mes liens et que je poussai mon premier cri, ma mère en poussa un à son tour, pour avoir le dernier.
Je peux me représenter la scène sans trop de difficultés : je sors saucissonné par le cordon ombilical, comme si ma mère, au dernier moment, se ravisait; il est midi moins le quart, le ventre du médecin gargouille, et ma mère trouve suffisamment de ressources en elle pour s'en sentir agacée. À la vue de mon visage aubergine, son agacement se change en inquiétude, mais je suis vite dégagé par le docteur Couetty, il est vrai bien aidé dans son entreprise de sauvetage par les conseils avisés de ma mère.
Mon père se tient là, debout et calme. Il réserve son jugement.
Je me suis fait depuis mon idée sur cet événement. Même si j'en souris aujourd'hui, je sais que je n'ai pas tenté de me suicider. Ce n'était pas non plus un accident. Non, je suis formel, ma mère a simplement, dès le début, voulu me garder pour elle.
Revue de presse :
Vue sur la mère n'est pas un règlement de comptes assassin qui se cacherait sous les faux habits du roman. Ce n'est pas non plus une entreprise thérapeutique visant à se délivrer par l'écriture d'une génitrice envahissante...
Le lecteur est d'abord emporté par la vivacité d'une langue simple et accessible, qui n'a pas son pareil pour convoquer des dialogues en style indirect d'une irrésistible vérité. L'opposition entre ce tyran domestique, serrant fort les cordons de la bourse, et cet adolescent qui ouvre courageusement la voie de l'affranchissement à son jeune frère, est d'abord verbale. Dans la famille, ces deux-là jouent une pièce dont ils maîtrisent parfaitement le texte, sous le regard d'un père qui va sortir progressivement de son emploi d'utilité...
Grâce à l'écriture, Julien Almendros a renoué avec une part de lui-même. Pour ce qui est de sa mère, laissons-les à l'intimité de leur relation... (Bruno Bouvet - La Croix du 3 septembre 2008 )
«Sur des pensers nouveaux, faisons des vers antiques», demandait André Chénier en 1788, cinq ans avant d'avoir les honneurs du Rasoir national. Julien Almendros renverse la proposition et propose un ton nouveau sur un thème antique : la relation mère-fils. Vue sur la mère est un roman joliment construit et intelligemment mené qui séduit par sa férocité raisonnée. (Sébastien Lapaque - Le Figaro du 4 septembre )
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