Extrait :
Retour au stade de la typhoïde
Soeur Mary Joseph Praise était arrivée à l'hôpital Missing sept ans avant notre naissance. Elle et soeur Anjali étaient les premières novices des carmélites de Madras à avoir obtenu leurs diplômes d'infirmières à la dure école de l'Hôpital général de Madras. Elles reçurent leur diplôme d'infirmière et, le même jour, prononcèrent leurs voeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. Au couvent comme à l'hôpital, plutôt que d'avoir le titre de stagiaire dans l'un et de novice dans l'autre, chacune serait dorénavant appelée «soeur». Leur vieille et sainte abbesse, Shessy Geevarughese, affectueusement surnommée Sainte Amma, n'avait pas perdu de temps pour donner aux jeunes religieuses infirmières sa bénédiction et leur surprenante affectation : l'Afrique.
Le jour de leur départ, toutes les novices formèrent une caravane de rickshaws pour accompagner leurs deux soeurs jusqu'au bateau. Je les vois alignées sur le quai, bavardant et tremblant d'excitation et d'émotion, leurs habits blancs battant dans la brise, les mouettes sautillant autour de leurs sandales.
Je me suis bien souvent demandé ce que ma mère pensait tandis qu'elle et soeur Anjali, qui venaient toutes deux d'avoir dix-neuf ans, faisaient leurs derniers pas sur le sol indien et montaient à bord du Calangute. Elle avait probablement entendu les sanglots réprimés et les «Dieu soit avec vous» qui les avaient suivies sur la passerelle. Avait-elle peur ? Avait-elle des regrets ? Une fois déjà, quand elle était entrée au couvent, elle s'était arrachée pour toujours à sa famille biologique et avait quitté Cochin pour Madras, qui était à une journée et une nuit de train de chez elle. Pour ses parents, c'aurait pu tout aussi bien être à l'autre bout du monde, puisqu'ils ne devaient plus jamais la revoir. Et maintenant, après trois années passées à Madras, elle s'arrachait à sa famille spirituelle, cette fois-ci pour traverser un océan. De nouveau, il n'était pas question de faire demi-tour.
Quelques années avant d'écrire ces lignes, j'allai à Madras à la recherche de l'histoire de ma mère. Dans les archives des carmélites, si je ne trouvai rien lui appartenant, je tombai en revanche sur les journaux de Sainte Amma, dans lesquels l'abbesse consignait le passage du temps. Quand le Calangute quitta le quai, Sainte Amma leva la main tel un agent de la circulation et, écrit-elle, «avec la voix que j'utilise pour mes sermons, dont on me dit qu'elle me fait paraître plus jeune», elle prononça ces mots : «Quitte ton pays pour l'amour de moi», parce que la Genèse était son livre préféré. Sainte Amma avait beaucoup réfléchi à cette mission. Certes, les besoins de l'Inde étaient sans fin. Mais cela ne changerait jamais et ne pouvait pas être une excuse. Les deux jeunes religieuses - les deux plus intelligentes et plus belles qu'elle eût - seraient les porteuses de flambeau : Les Indiens apportant l'amour du Christ au coeur de l'Afrique noire, telle était sa grande ambition. Dans son journal, elle révèle ses pensées : ainsi que l'avaient découvert les missionnaires anglais quand ils étaient arrivés en Inde, il n'y avait pas meilleure façon d'apporter l'amour du Christ qu'au moyen de compresses et de cataplasmes, de liniments et de pansements, de la purification et du réconfort. Quel meilleur ministère que celui de la guérison ?
Présentation de l'éditeur :
Éthiopie, 1954. Deux frères jumeaux, orphelins de mère, grandissent dans l'insouciance, unis comme les doigts de la main. Mais bientôt, la révolution gronde et les deux frères se déchirent pour l'amour d'une femme. L'un fuit pour les États-Unis, l'autre reste au pays. Ils ne se retrouveront que bien plus tard, pour percer le secret de leur identité.
«La réussite de Verghese est de nous faire ressentir que quelque chose est vraiment en jeu - la naissance, l'amour, la mort, la guerre, la loyauté.
THE GUARDIAN
Indien de naissance, éthiopien d'adoption, Abraham Verghese est une figure reconnue de la médecine et de la littérature.
La porte des larmes est son premier roman.
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