Extrait :
Je suis né à New York, dans le quartier de Brooklyn, le 20 février 1900. Fils du capitaine Bardford Smith White, de l'US Navy, et de Martha Justine Hollenbeck. J'ai eu une soeur, Veronica, plus jeune que moi, morte l'année même où tous ces étranges événements se sont produits.
Le capitaine Bradford Smith White, de l'US Navy, était un salaud. Voilà, je l'écris enfin, après toutes ces années. Un véritable, un authentique salaud. Non, ce n'est pas tout à fait exact. Il était malade. L'esprit tordu - embrumé, pourrait-on dire.
Sous son joug, Veronica et moi (Veronica, surtout) avons beaucoup souffert. Il nous imposait une discipline de fer. Sans la Navy, il aurait fini à l'asile, je crois, seul et unique endroit où l'on pouvait tolérer son comportement déviant. Notre mère, sensible et bienveillante, a rendu son dernier souffle avant ses quarante ans. Je devrais écrire s'est échappée avant ses quarante ans. Son existence d'épouse était un enfer permanent.
Voici un exemple :
Un jour de mars 1915, ma mère, Veronica et moi avons été conviés (convoqués) à dîner à bord du navire de mon père (un bâtiment de ravitaillement, si je me souviens bien). Aucun de nous ne souhaitait s'y rendre, mais l'alternative n'était guère encourageante - toute désobéissance entraînerait plusieurs semaines (parfois plusieurs mois) de représailles diverses et variées.
Alors, nous nous sommes mis sur notre trente-et-un et avons rejoint l'arsenal, pour constater que le navire de papa mouillait au beau milieu de l'Hudson. Sur le quai, un vent violent soulevait de véritables petits tsunamis.
Quel mari, quel père sain d'esprit mettrait sa famille en danger en l'obligeant à vivre une expérience si périlleuse ? Je vous pose la question. Une personne normalement constituée n'aurait-elle pas renoncé à cette lubie pour emmener les siens au restaurant ? Allez, je réponds à votre place. Oui, bien sûr que oui. Le capitaine Bradford Smith White, de l'US Navy, s'est-il comporté de façon raisonnable ? Devinez. Nous étions invités à dîner à bord de l'USS White - Salaud me semble plus adéquat, comme nom. Et si nous devions nous noyer en route, eh bien, ainsi soit-il. Manque de bol, comme on dit aujourd'hui. Regrettable, mais inévitable.
Revue de presse :
Richard Matheson, né en 1926, a bâti en soixante ans une oeuvre qui l'a classé parmi les plus grands noms de la science-fiction à caractère horrifique. Ecrivain (Je suis une légende, 1954, L'homme qui rétrécit, 1956) et scénariste (Duel, de Steven Spielberg, 1971), il a contribué à forger la culture populaire américaine d'hier et d'aujourd'hui...
Derrière ce facétieux jeu de miroir se devine la démarche émouvante d'un vénérable romancier qui tente de comprendre pourquoi il est devenu une icône de la littérature fantastique. (Nicolas Lefort - Le Monde du 25 avril 2013)
Roman initiatique autant que conte fantastique, D'autres royaumes vaut pour ce portrait teinté d'ironie d'un vieil auteur de genre, conscient de ce qu'il est. Matheson, au crépuscule de sa vie, s'interroge sur son statut d'icône de la littérature fantastique. C'est à la fois caustique et émouvant. (Hubert Prolongeau - Télérama du 26 juin 2013)
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