Extrait :
1
«Un homme veut entrer chez nous !»
La voix de Hilkka grésilla dans l'émetteur-récepteur. Ilpo crut avoir mal compris.
«Quoi ?»
Il coupa le moteur du canot. L'eau continua de clapoter contre la proue, le bateau avançant sur sa propre lancée. Il attendit un instant. Silence radio. D'un mouvement du pouce, il repassa en mode émission.
«Répète !»
Cette fois, la réponse de Hilkka arriva aussitôt.
«Un homme veut entrer chez nous, dit-elle à voix basse. Il va me faire du mal.»
Une mouette piqua à une vingtaine de mètres devant l'embarcation, là où la surface frémissait. L'oiseau remonta, un petit poisson translucide dans le bec. Un banc d'éperlans devait se trouver là-dessous, et les belles zébrées se dissimulaient assurément en contrebas, à l'affût. Elles n'allaient pas tarder à remonter. Il vira de bord avant de réaliser la futilité de son initiative.
«Ilpo !» Le cri aigu de Hilkka fusa hors du poste et s'éleva dans le ciel, où la mouette s'éloignait en décrivant une large courbe.
Il continua de résonner dans la tête du pêcheur, pour ne plus la quitter.
2
À l'image des terrains de golf, la vaste pelouse du camping semblait avoir été tondue par un barbier méticuleux. Un bâtiment abritant le bureau de la réception, une cafétéria et le local technique circonscrivait d'un côté l'étendue verdoyante. Le capitaine Sudenmaa se rappelait être jadis venu ici boire une bière dans le sillage de ses coéquipiers, quand il n'était encore qu'un bleu. Partout ailleurs, la pelouse se terminait à la lisière du bois qui ceinturait le lac. Des bungalows avaient été semés ici et là sur la rive. Us se dressaient, isolés, entourés d'arbres, comme si un différend de longue date les opposait les uns aux autres.
Sudenmaa repéra sans difficulté le seul bâtiment devant lequel stationnait un fourgon bleu et blanc. Il alla se garer derrière le panier à salade. Une tête coiffée d'une casquette bleue lui jeta un regard furtif depuis l'angle le plus éloigné du bungalow. Le capitaine détacha sa ceinture de sécurité et descendit de véhicule. Il s'étira avec volupté, fit le tour de la voiture et se lança dans l'examen des pneumatiques. Un morceau de gravier de taille conséquente s'était logé dans une rainure de la gomme du pneu arrière gauche. Il ressortit les clés de sa poche, s'accroupit et extirpa le caillou.
Pelkonen ne semblait toujours pas comprendre ce qu'on attendait de lui. Sudenmaa se recula de quelques mètres et entreprit de tester le bon fonctionnement de la commande d'ouverture à distance des portières. Il pressa le bouton, en cadence. La voiture lui répondait avec docilité, faisant clignoter ses feux, actionnant le mécanisme de verrouillage vers le haut, vers le bas. Il était de l'intérêt de Pelkonen, lieutenant frais émoulu de l'École de police, d'apprendre au plus vite les bonnes manières. De nos jours, la montagne ne venait plus à Mahomet. Tout au plus s'en approchait-elle, et encore, à condition de pouvoir le faire en voiture.
Pelkonen finit par réagir. Il se détacha du bungalow et vint rejoindre son supérieur.
«Salut, Pelkonen.
(...)
Présentation de l'éditeur :
Ilpo Kauppinen, pêcheur taciturne d'une soixantaine d'années, ne vit que pour les perches et pour son épouse. Lorsque celle-ci disparaît brusquement, Ilpo continue de pêcher sur le lac. Le capitaine Sudenmaa mène l'enquête entre deux coups de fil de son ex, paumée alcoolique mère d'une fille de quatorze ans dont il a la garde. Un polar au cœur de la nature finlandaise.
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.