Extrait :
CALEB
JEUDI 29 MARS, 00 H 35
Centre de ponction n° 21,
quartier des Nuées, district Nord
«En vingt ans de carrière, je n'ai jamais vu un truc pareil ! s'exclama l'inspecteur Robespierre.
- Ni moi en quatre-vingts ans, Robbie.»
Caleb Robespierre sentit sa mâchoire se crisper, comme chaque fois que le commissaire Orion l'appelait ainsi. Cela ne posait pas problème à l'époque où, frais émoulu de l'école de police, il avait intégré la brigade antiterroriste de Concordia-polis. Mais aujourd'hui, à quarante ans passés, il avait une maison à rembourser, un fils à élever et une pension alimentaire à verser. Il estimait que toutes ces responsabilités lui donnaient droit à du monsieur Robespierre, ou même juste à Robespierre.
Il soupira, évitant du regard son supérieur hiérarchique pour ne pas enrager davantage - malgré une bonne dizaine de siècles au compteur, le commissaire Orion paraissait plus jeune que lui qui n'en comptabilisait pas même un demi -, et se concentra sur la scène de crime.
Éclairé par la lumière tremblotante des lampes à huile, le spectacle n'était vraiment pas beau à voir.
Les tiroirs des meubles d'archivage avaient été renversés, répandant sur le sol les fiches de tous les contribuables humains dépendant du centre de ponction n° 21. Au milieu de cette marée de papiers, les quatre ponctionneurs en blouses blanches avaient été attachés à leurs fauteuils, eux-mêmes disposés dos à dos comme les quatre points cardinaux d'une boussole infernale. Les corps tordus dans tous les sens, les ongles enfoncés dans le cuir des accoudoirs laissaient imaginer la violence des dernières convulsions qui avaient agité les malheureux.
La première image qui était venue à l'esprit de l'inspecteur Robespierre, lorsqu'il était entré dans le bureau du centre de ponction n° 21, avait été une chaise électrique. Il avait lu, dans des vieux livres des Temps anciens, que cet horrible dispositif était jadis utilisé pour exécuter les condamnés à mort. Heureusement, une telle barbarie n'avait plus cours - d'abord parce que la peine de mort avait été abolie sur toute la surface du globe, ensuite parce que l'électricité en avait été bannie avec la même fermeté. C'était l'un des principes les plus sacrés de la Constitution de Concordia, elle-même fondée sur la Déclaration universelle des droits de l'Homme et du Fé.
Présentation de l'éditeur :
Tous les contes de fées ont une fin ...
Voilà un siècle que le Président-Mentor Jack Spark règne sur Concordiapolis, mégalopole utopique où les hommes coexistent avec les créatures fantastiques. Mais aujourd'hui, cet équilibre fragile est sur le point de se briser.
D'un côté, 1% de privilégiés : les Fés immortels. De l'autre côté, 99% d exploités : les humains surendettés.
Insurgez-vous et rejoignez les rangs du Printemps humain !
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.