Revue de presse :
À l'inverse de Jean qui grogne et Jean qui rit sorti en 1984, la politique est presque absente, comme le précise l'écrivain dans la préface à ce volume «consacré aux îles, aux livres, aux amis». De fait, la centaine de chroniques, essentiellement parues dans Le Figaro et Le Figaro Magazine, composant cet «exercice d'admiration et de fidélité» nous font croiser Frédéric II, les soeurs Mitford, John McEnroe, Venise, Garbo et Dietrich, les civilisations anciennes et les mutations du présent, des voyages et des souvenirs...
À son habitude, Jean d'Ormesson fuit les raseurs, les raisonneurs, les théoriciens et autres jongleurs de concepts pour défendre les «joueurs de flûte» brocardés par M. de Norpois dans la Recherche. Il s'est choisi des maîtres qu'il traite en complices et nous fait partager leur dialogue ininterrompu. Cette conversation charmeuse et profonde fait le prix d'Odeur du temps, qui propose «de sortir un instant le lecteur de lui-même et de le faire rêver». Mission accomplie. (Christian Authier - Le Figaro du 7 juin 2007 )
Jean d'Ormesson, dont l'esprit est si peu académique, vient de publier l'un de ses meilleurs livres. C'est un recueil de chroniques. Oui, de ces articles écrits au jour le jour et sur lesquels s'abat l'oubli, puisque, c'est connu, le journalisme ne survit pas à la nuit qui tombe. Mais que se passe-t-il ? Voilà que, par un prodige dont seule la langue est capable, ce qui fut écrit pour disparaître résiste si bien au temps que, de gouttelette de lumière, il devient phare. Eh oui, Odeur du temps est un livre irrésistible...
On lui doit de célébrer la frivolité et, avant tout, de nous faire comprendre que la frivolité, lorsqu'elle s'appelle lecture, amour ou voyage, est essentielle. Merci ! C'était bien. (François Busnel - L'Express du 14 juin 2007 )
D'Ormesson est un Sollers de droite aux yeux bleus. Bien sûr, il est aussi l'humaniste qui promeut Kantorowicz, Fumaroli et Foucault, d'épais ouvrages sur l'Egypte ancienne, la mécanique ondulatoire chez Louis de Broglie. Le ton se fait alors plus sage, respectueux : le normalien défroqué paie sa dette aux véritables savants. Certes, il est intarissable sur Chateaubriand, évoque la mort de sa mère avec une émotion contagieuse, et un soupçon de mélancolie plane sur ce choix d'articles publiés depuis 1969. Mais, pour le reste, l'ex directeur du «Figaro» murmure, admiratif comme un gamin rêveur : «J'aimerais bien écrire comme Alexandre Vialatte» parce qu'il y a «du clown dans ce styliste». Même ses voeux de solitude, déguisés en «Bons baisers de Kokona», résonnent comme une blague. (Grégoire Leménager - Le Nouvel Observateur du 21 juin 2007 )
Cette Odeur du temps, avec ses quelque cent chroniques, en onze chapitres, est un constant bonheur de lecture et restera toujours d'actualité, même si, entre Chateaubriand - qui ne comprend rien à Venise, l'une des villes préférées de Jean d'Ormesson -, Balzac, Joyce, Georges Dumézil, Fernand Braudel ou Borges, se glisse John McEnroe, tennisman retraité depuis longtemps déjà, mais à jamais mythique...
Tout est dit, Jean d'Ormesson aime la vie et c'est pourquoi on aime le lire. Il a un style énergique, le sens des formules, des croquis, des portraits aigus, rapides. Et sa jubilation d'écrire est communicative. Au point qu'on a envie de lui laisser la parole, de faire seulement une petite broderie de citations, tant les périphrases qu'on utilise pour évoquer ses chroniques sont lourdes en regard de sa parole, de son vagabondage littéraire guidé par le plaisir et l'admiration. (Josyane Savigneau - Le Monde du 13 juillet 2007 )
Extrait :
Mon bourreau, mon amour
Non, le mégalomane, le paranoïaque, ce n'est pas moi. C'est lui. Moi, personne ne m'appelle jamais, personne ne m'écrit jamais. Ou alors des dames de province avec des chapeaux verts ou des colonels à la retraite. Moi, je cache mes téléphones de Saint-Chély-d'Apcher ou de Loguivy-Plougras et les lettres que je reçois, d'une écriture maladroite, sur du papier quadrillé, pour me confirmer que je suis idiot et la honte de la famille. Lui, c'est Sartre à tout bout de champ. C'est Nadeau deux fois par semaine. Dans les jours les plus sans, dans les heures les plus pâles, c'est Fontaine ou Fauvet, il ne sait plus, il les confond, il plane très loin au dessus-d'eux. Mais il se souvient avec précision de tous les torrents de miel qui sortaient de leur bouche : «Ah ! comme c'est bien Frank, ce que vous avez écrit sur Drieu ! Je ne croyais pas que vous seriez capable d'écrire quelque chose d'aussi bon. Pourquoi ne nous donneriez-vous pas un article comme ça, en plus long, pour Les Temps modernes ? (Ou pour le Cahier des saisons, ou pour Le Monde, ou pour L'Observateur, on le réclame de partout, rayez la mention inutile.) Allez-y comme vous voulez sur le sujet que vous voulez.» Éblouir ! Éblouir !
Le jeune Frank ne pense qu'à ça. Et il y réussit. Pas toujours pour longtemps. C'est souvent : «Bonjour ! Bonsoir ! Adieu ! Et allez au diable !» On dirait qu'on se fatigue de Bernard Frank plus qu'il ne se fatigue de lui-même. «J'ignorais, lui confie Sartre avec une espèce d'admiration, que vous pouviez écrire quoi que ce soit sur quelqu'un d'autre que vous-même.» Mais enfin, à mi-chemin entre le coup de tonnerre de la révélation sur le mont Sinaï ou sur le mont Nebo et la lassitude, le dégoût, l'extinction de voix, Bernard Frank, qui vient de réunir en volume ses articles des années cinquante, y aura tenu beaucoup de place. Une place qui me paraît énorme puisqu'elle fait plus de bruit que la mienne.
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