Extrait :
Les deux hommes avaient quitté Courmayeur le matin même, à l'heure où la rosée nocturne s'évapore en fumées bleues des lourds toits de lauzes grises. Marchant à grands pas sur la route d'Entrèves, ils atteignaient et dépassaient le petit bourg montagnard, encore assoupi dans sa conque verdoyante. Le sentier du col du Géant s'amorce là entre deux murettes de pierres sèches et court à la diable d'un lopin de terre à l'autre, respectueux des fantaisies du cadastre. À cette heure matinale, les étables déversaient sur le chemin leur trop-plein de bétail, cornes hautes et naseaux fumants, carillonnant de toutes leurs sonnailles. Dans les champs minuscules, épaulés de talus pierreux, quelques paysans binaient ; au passage des deux étrangers, ils arrêtaient un instant leur tâche, levaient la tête en gardant le buste mi-courbé vers le sol, et, l'outil en main, dévisageaient les voyageurs. Poliment, ces derniers saluaient :
«Bien le bonjour !
- Bonne montée !» répondaient les paysans.
Bientôt, le damier des champs cultivés cessa pour faire place à la forêt de mélèzes. Déjà la vallée semblait s'élargir, et le grondement de la Doire s'épandait plus librement dans l'air.
Comme le sentier, au premier lacet, heurtait de front la montagne, les marcheurs firent halte. D'abord le jeune, un adolescent robuste qui jusque-là montait avec une certaine fantaisie, bondissant d'un bord à l'autre du chemin, sautant avec agilité sur les murettes, fauchant d'un large coup du manche de son piolet les orties qui gênaient sa marche, ou bien s'arrêtant brusquement, pour regarder en contrebas le village coincé entre les deux parois de la montagne, la vallée paisible et les lointains bleutés sous le ciel de saphir. Ensuite le vieux qui, à quelques toises derrière, allait lentement, d'une foulée égale, pliant légèrement le genou comme pour mieux sentir la terre sous ses grosses semelles cloutées.
«Fini de faire le cabri, mon Pierre, dit-il en rejoignant le jeune, posons les sacs et soufflons.»
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L'histoire se passe dans une famille à Chamonix (Haute-Savoie) dans les années trente. Tous sont guides de génération en génération, sauf un, Pierre, qui est devenu hôtelier selon les désirs de son propre père. Mais un jour, c'est la tragédie : le père est foudroyé dans les Drus, et c'est son fils qui va partir à sa recherche. Ensuite, c'est un groupe d'hommes unis face au froid et aux blessures que celui-ci leur impose, jusqu'à l'accident et la descente vers le village. Et là, Pierre décide de devenir guide à son tour et de se frotter à l'école du courage et de l'humilité. On retrouve à travers cet ouvrage toute l'atmosphère troublante de la montagne : ses aléas climatiques, ses terrains accidentés... C'est la grande aventure, le dépaysement garanti. Plein de rebondissements et de suspense, ce roman est avant tout une histoire humaine et réserve au lecteur une approche nouvelle des hauts sommets.
Roger Frison-Roche, grand passionné de montagne, a su parfaitement retranscrire les conditions de vie de l'époque. Premier de Cordée est son premier roman et a connu un immense succès. Ici, la montagne livre ses charmes et ses dangers, parfois mortels, sujet malheureusement toujours d'actualité. --Géraldine Adam
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