Extrait :
J'ai été
La petite Sabrina
D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu le sentiment d'être différente des enfants de mon âge. «Précoce» disaient certains professeurs.
En maternelle, on a proposé à ma maman de me faire sauter une classe. Maman a refusé car, institutrice elle-même, elle ne voulait pas favoriser sa fille aux yeux des autres, sachant qu'elle enseignait dans l'école où j'étais élève.
Mes premiers souvenirs remontent à mes années de maternelle, en particulier à cette complicité qui nous liait ma mère et moi. Des petits «coucou» que nous échangions lorsque nous nous croisions. Nous pouvions faire tous les jours - midi et soir - le chemin à pied ensemble jusqu'à la maison.
Je ne peux pas dire que je m'ennuyais dans les activités proposées mais, le plus souvent, je les faisais avec plus de facilité que mes petits camarades et souvent je devais attendre que les autres aient fini leur travail.
Mes parents m'ont permis de faire beaucoup de choses épanouissantes comme des séjours en colonie, en France et à l'étranger. Je me souviens particulièrement de mon premier séjour au ski, où je n'ai pas réussi à me faire accepter des autres enfants. Il m'arrivait parfois d'aller méditer sur un rocher à l'écart dans la montagne, ou d'observer la beauté de la nature et me dire : «Je me sens seule», et d'être persuadée qu'un jour ce sentiment viendrait à disparaître. Davantage que le sentiment de solitude, il s'agissait plutôt du sentiment de ne pas être à ma place en ce monde. Que jamais je ne m'y sentirais bien. Étrange !
Peut-être avais-je déjà compris quelque chose de terrible à propos de la vie : nous naissons seuls et demeurons seuls à jamais. La mort a toujours été un sujet de préoccupation pour moi. J'ai eu très tôt des crises d'angoisse à ce sujet, ayant pris conscience très jeune du fait que je mourrais un jour. Je regrette de ne pas avoir questionné les adultes à ce sujet pour tenter de me rassurer. J'avais l'impression que ces préoccupations n'étaient pas de mon âge et déjà le pressentiment que des questions sur ces sujets tabous auraient dérangé. À mon époque, on expliquait peut-être moins où on prenait moins de temps pour expliquer aux enfants ces choses d'adultes. Je ne vais pas donner des conseils d'éducation n'ayant pas d'enfants moi-même mais personnellement j'aurais bien eu besoin qu'un proche (pas forcément mes parents) m'aide à me familiariser avec ces notions.
Un événement a certainement joué un rôle dans mon rapport à la vie et à la mort, il concerne ma nourrice qui était aussi une voisine. J'ai grandi chouchoutée par sa fille unique qui jouait avec moi comme une grande soeur ou comme une enfant pourrait le faire avec sa poupée. J'ai des souvenirs de moments joyeux passés avec elle. Cette femme s'est mariée et a eu deux beaux enfants qu'elle élevait comme un roi et une reine. Un jour, elle a appris que son mari allait la quitter et ne l'a pas supporté. Elle a tué toute sa famille avant de se tirer elle-même une balle dans la tête. J'ai appris la tuerie en rentrant du collège un soir et j'en ai évidemment été très affectée. Je n'ai pas eu le droit d'assister à l'enterrement.
Ma nourrice et son mari sont restés longtemps comme des grands-parents pour moi. Je suis partie une fois au Maroc avec eux. Je garde un assez bon souvenir du séjour mais la maladie déjà bien installée a noirci le tableau. Nous étions devenus leur famille, mais la vie a fait que nos chemins se sont séparés.
J'ai une famille restreinte et suis la seule fille au milieu de quelques cousins que je ne voyais que très rarement.
Ma véritable amie d'enfance s'appelait Céline. Je repense à elle avec nostalgie mais je sais aussi que notre relation n'était pas équilibrée, en ce sens que je la «dominais» comme je l'ai souvent fait dans ma vie avec bon nombre de personnes.
(...)
Présentation de l'éditeur :
Corps, esprit et âme : mieux comprendre les troubles du comportement alimentaire pour mieux les soigner. Sabrina tombe dans l'anorexie à dix-sept ans, suite à un régime censé améliorer ses performances sportives. Deux ans plus tard, les crises de boulimie s'en mêlent. Son poids va descendre jusqu'à vingt-sept kilos. Sauvée de justesse, elle est internée en psychiatrie pendant un an, après avoir été baladée d'hôpitaux en cliniques, insuffisamment équipés et formés pour la prendre en charge, avec son lot d'humiliations. Ce livre révèle toute l'ambivalence dans laquelle se débattent les anorexiques, hypersensibles au bien et au mal qui se mélangent. Derrière ce corps torturé qui fait peur à voir, un désir de pureté et d'absolu ne parvient pas à se dire. Comment vivre sa spiritualité empêtrée dans la matérialité, les besoins affectifs et charnels ? Au gré des rencontres lumineuses et des synchronicités, Sabrina va se relever, se réconcilier avec elle-même et redonner un sens à sa vie. C'est l'histoire d'une longue reconstruction, d'abord physique puis psychologique. Un parcours douloureux mais finalement positif que Sabrina nous raconte avec tout son cur. Sa détermination est à présent au service de sa reconstruction.
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