Les non-dits de l'anthropologie, suivi de Dialogue avec Maurice Godelier - Couverture souple

Caratini, Sophie; Godelier, Maurice

9782362800108: Les non-dits de l'anthropologie, suivi de Dialogue avec Maurice Godelier

Couverture souple

ISBN 10 : 2362800105 ISBN 13 : 9782362800108

Editeur : Thierry Marchaisse, 2012

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Extrait :

Extrait de l'introduction

L'anthropologie peut-elle �chapper au conflit de l'esth�tique et de la gu�rilla ?
Jean DUVIGNAUD, Le langage perdu

Aujourd'hui, la plupart des soci�t�s �tudi�es par les anthropologues ont produit une ou plusieurs g�n�rations d'intellectuels susceptibles de lire et de commenter ceux qui �taient venus les observer, ou observer leurs parents et grands-parents. Car les descendants des �sauvages� d'hier s'int�ressent grandement aux livres qui les d�crivent. Certains assistent aux soutenances de th�se, si�gent dans les jurys ou mieux encore dirigent des travaux de recherche ; et ils ne m�nagent pas leurs critiques. Il arrive aussi qu'ils se r�approprient des traditions oubli�es dont ils ont trouv� trace dans les ouvrages des premiers ethnographes, qu'ils les diffusent au village, et que lorsqu'un nouvel ethnologue arrive, on lui r�p�te l'histoire qu'il prend � son tour pour argent comptant, d'autant que personne ne sait plus si elle a exist� ou non, si elle a �t� invent�e, quand et par qui.
En m�me temps, toute publication sur telle ou telle population se voit dot�e d'un enjeu politique local qui peut �tre national ou m�me international, et dont l'importance augmente encore dans les situations de conflit. La diffusion des m�dias jusque dans les r�gions les plus recul�es de la plan�te, accrue par les nouvelles technologies de la communication, fait que ce �livre� que le chercheur dit vouloir �crire lorsqu'il se pr�sente aux autorit�s locales d'abord, puis aux notables du groupe qu'il est venu �tudier, n'est plus quelque chose d'incompr�hensible ni de n�gligeable : selon les cas, la libert� d'acc�s au terrain en sera subtilement favoris�e ou emp�ch�e. Il est aussi des situations o� le groupe concern� est hautement preneur de publicit� (parfois m�me de publicit� mensong�re), contrairement aux repr�sentants du pouvoir, ou inversement. L'enqu�teur se trouve pris au coeur d'une bataille dont il devient - � travers son projet d'�criture - l'un des atouts ou des handicaps potentiels. Ce qu'on va lui dire et ne pas lui dire, ce qu'on va lui laisser voir et ce qu'on va lui cacher, l'instrumentalisation dont il pourra �tre ult�rieurement l'objet ou m�me l'otage rel�vent alors de rivalit�s ou de conflits qu'il lui faut d�chiffrer : l'enjeu de l'�criture d�passe - et de loin - les objectifs d�clar�s de la science.
Pour toutes ces raisons, les anthropologues s'interrogent aujourd'hui plus que jamais sur eux-m�mes et sur leurs m�thodes, d'autant que dans le m�me temps ils sont appel�s � lutter au sein du champ scientifique pour maintenir une discipline dont l'existence para�t r�guli�rement menac�e par la diminution drastique des postes et des cr�dits. D�j�, dans les ann�es 1980, la crise des syst�mes de pens�e (positivisme, fonctionnalisme, structuralisme, marxisme, culturalisme, etc.) avait d�stabilis� l'ensemble des sciences humaines et provoqu� un temps d'arr�t, un moment �pist�mologique oblig�. Tout en r�affirmant l'importance du terrain comme indispensables pr�mices � la construction de leurs savoirs, les chercheurs avaient commenc� � se tourner vers de nouveaux �objets� et � diversifier leurs �probl�matiques�. Atteints, comme tant d'autres, par les effets du discours postmoderne sur la mondialisation, certains avaient proclam� l'anthropologie �science des mondes contemporains�, laissant � penser, lorsqu'ils ne le disaient pas explicitement, que cet Autre extr�me que les premiers ethnologues avaient cherch� � rencontrer, ce �sauvage� d'antan, le vrai, celui qui �tait �pur� de tout contact avec la civilisation moderne, avait bel et bien disparu ; h�las !

Pr�sentation de l'�diteur :

Longtemps, les anthropologues ont h�sit� � �voquer les coulisses de leur m�tier, par g�ne ou crainte de nuire � l image de leur discipline. En les d�voilant ici, � travers son parcours personnel, le but de l auteur n est nullement de desservir l anthropologie, mais au contraire de mesurer sa f�condit� en assumant la r�alit� de ses failles. Ce r�cit-essai des m�saventures d une anthropologue (o� se tressent verve narrative et analyse r�flexive), �claire la part de subjectivit� inh�rente � toute approche scientifique des soci�t�s humaines. Il se cl�t sur un entretien entre Maurice Godelier et Sophie Caratini qui confrontent leurs exp�riences de l Autre et les traces profondes qu elles ont laiss�es dans leur pens�e et en eux-m�mes.

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