Extrait :
Extrait de l'introduction
Que peut-on dire de la psychanalyse, après en avoir fait sa principale activité pendant plus de soixante ans ? Le but de ce livre est de répondre à cette question.
La première partie propose un regard rétrospectif sur le mouvement freudien, qui reprend à nouveaux frais l'histoire singulière des débuts de la psychanalyse. Le fait est qu'elle est apparue sur la scène du monde comme un mouvement, une cause à défendre. Ses premiers partisans, qui se sont ralliés à Freud à partir de 1902, étaient des marginaux, qui voyaient sa découverte de l'inconscient comme le moyen d'une libération de l'individu, et même de la société. La reconnaissance académique est arrivée par la suite, sous l'égide de Bleuler, via la clinique psychiatrique de l'université de Zurich. Dès 1906-1907, elle a fait affluer vers le 19 Berggasse de jeunes psychiatres venus du monde entier. Des Russes, des Polonais, des Hongrois, mais aussi des Allemands et des Américains ont frappé à la porte de Freud, ouvrant ainsi la possibilité d'une internationalisation du mouvement psychanalytique.
La création de l'Association psychanalytique internationale, communément nommée sous son sigle anglais d'IPA, est alors devenue une nécessité pour Freud, et même une urgence. À sa grande surprise, en effet, il avait constaté qu'un praticien passé par l'expérience d'une analyse personnelle n'était nullement à l'abri de déviations ultérieures. Or, celles-ci pouvaient le conduire jusqu'à nommer «psychanalyse» des choses de son cru, n'ayant aucun rapport avec elle, voire à se retourner contre son propre enseignement. Il fallait un remède. Il fallait prendre en main la formation des analystes, de façon que nul ne puisse se dire «analyste» qui n'ait reçu l'aval de quelques esprits au-dessus de tout soupçon. Où trouver ces esprits miraculeux ? Chez ses élèves les plus fidèles, tant à sa personne qu'à son oeuvre, puisqu'aux yeux de Freud l'une était indiscernable de l'autre.
Depuis lors, on peut dire que les apories, les drames et les dissensions n'ont cessé de scander l'histoire de la psychanalyse. J'ai choisi de les étudier en commençant par suivre le fil rouge que nous offre la constitution, sur la suggestion de Jones, du comité des «paladins» de Freud. Car ce comité secret n'a pas peu contribué à la transformation de l'IPA en Église, avec ses cardinaux et ses hérétiques. On y croisera, notamment, Otto Rank et Sándor Ferenczi, les deux principales figures dissidentes du mouvement freudien, dont les vies tragiques et les innovations trop audacieuses nous interpellent encore aujourd'hui.
La seconde partie est consacrée au coeur même de la psychanalyse, à savoir la théorie psychanalytique de l'Éros. Le lecteur sera peut-être étonné de constater qu'elle commence par un exposé consacré à la linguistique. Mais je suis persuadé qu'on ne saurait apprécier à sa juste mesure la refondation lacanienne des découvertes freudiennes, si on la sépare de ce que certains linguistes ont appelé «la subversion ontologique de Ferdinand de Saussure». Ce détour apparent est donc en fait un raccourci, qui nous permettra de mieux suivre, ensuite, les avancées théoriques de Lacan et leurs mises en formules logico-mathématiques.
Présentation de l'éditeur :
Que peut-on dire de la psychanalyse, après en avoir fait sa principale activité pendant plus de soixante ans ? Le but de ce livre est de répondre à cette question.
Mémoire vivante du champ freudien, à cheval sur plusieurs langues et plusieurs cultures, Moustapha Safouan a commencé son analyse alors que Freud était mort quelques années auparavant et Lacan encore presque un inconnu.
Il présente ici les éléments fondamentaux de la psychanalyse, et l'éclaircit en suivant les trois fils de ses avancées théoriques successives, de sa fonction thérapeutique singulière et de son histoire institutionnelle mouvementée.
Une référence pour les spécialistes, qui servira tout aussi bien d'introduction pour les profanes ou les étudiants.
«Il faut être profond dans l'art ou dans la science, pour en bien posséder les éléments. Les ouvrages classiques ne peuvent être bien faits, que par ceux qui ont blanchi sous le harnais. C'est le milieu et la fin qui éclaircissent les ténèbres du commencement.»
Le neveu de Rameau, Diderot
Moustapha Safouan est né en 1921, à Alexandrie. Analyste dès 1949, il a été parmi les premiers à suivre l'enseignement de Lacan. Ses nombreux ouvrages sont largement traduits et ses propres traductions de Freud, La Boétie et Shakespeare font référence dans le monde arabe. Dernier livre publié, La parole et la mort, essai sur la division du sujet, Seuil, 2010.
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