Articles liés à Lettres à Shakespeare

Lettres à Shakespeare - Couverture souple

 
9782362800481: Lettres à Shakespeare
Afficher les exemplaires de cette édition ISBN
 
 
Extrait :
NOUS SOMMES TOUS DES HAPPY FEW

Tout commence par un coup de foudre. On peut dater avec précision le début de la passion française pour Shakespeare, celui d'un retournement spectaculaire : septembre 1827. Cinq ans auparavant, l'Empereur était mort depuis peu, une troupe anglaise venue donner Othello au théâtre de la Porte Saint-Martin a été accueillie par une foule hostile de jeunes libéraux qui hurlaient «À bas Shakespeare, c'est un aide de camp du duc de Wellington !» et sifflaient si fort qu'on n'a pu entendre un mot de la pièce, raconte Stendhal. Indigné, il rédige un Racine et Shakespeare où il fustige les philistins incapables d'apprécier une oeuvre hors norme et hors cadre des unités françaises - «Je m'adresse sans crainte à cette jeunesse égarée qui a cru faire du patriotisme et de l'honneur national en sifflant Shakespeare parce qu'il fut Anglais» - et réserve quant à lui ses propres oeuvres aux «happy few» qui sauront le comprendre.
Ce jour de septembre, Alexandre Dumas quitte son bureau de bonne heure pour rejoindre les happy few devant l'Odéon où une autre troupe anglaise conduite par l'illustre Charles Kemble et Harriet Smithson va jouer Hamlet. Stendhal cette fois est en Italie, mais dans la salle, Dumas retrouve Victor Hugo, Delacroix, Vigny, Nodier, Berlioz, Théophile Gautier... Hugo a vingt-cinq ans et il est encore royaliste - c'est d'ailleurs pendant la cérémonie du sacre de Charles X que son ami Charles Nodier lui a glissé dans la main un exemplaire de Shakespeare. À l'Odéon tout Paris s'éprend pêle-mêle d'Ophélie, Harriet, Hamlet. «Shakespeare, en tombant sur moi à l'improviste, me foudroya, écrit Berlioz. Son éclair, en m'ouvrant le ciel de l'art avec un fracas sublime, m'en illumina les plus lointaines profondeurs.» L'hamlétisme et l'anglomanie s'emparent de la France. On n'avait pas le choix à l'époque, explique Théodore de Banville, il n'y avait que deux clans dans la poésie, la littérature et les arts : «d'une part les romantiques, et de l'autre, les imbéciles», jusqu'à ce que dans la bouche de révolutionnaires ingénus, le mot romantique signifie : «homme qui connaît Shakespeare et avoue qu'il le connaît». Ainsi «pour voir les choses dans leur réalité et sans nul déguisement, la querelle est restreinte entre ces modernistes et Shakespeare». Et Banville de pointer où commence l'hamlétisme : «Toutes les récentes névroses compliquées, musicales, idéalement torturées par la soif de l'exquis quintessencié, qui se croient si modernes, et le sont, viennent en droite ligne d'Elseneur.» Des Esseintes ne peut arracher de son souvenir «la navrante chanson et la chère démence d'Ophélie». Shakespeare le modéré, conservateur par raison ou résignation, est promu champion de toutes les révoltes, qu'elles soient formelles ou politiques.
Pour la création du More de Venise, 24 octobre 1829, les deux camps sont sur le pied de guerre : «Cette future représentation (Y Othello faisait grand bruit. Nous connaissions tous la traduction de Vigny, et, quoique nous eussions mieux aimé être soutenus par des troupes nationales, et par un général français, que par ce poétique condottiere, nous comprenions qu'il fallait accepter toutes les armes qu'on nous apportait contre nos ennemis, du moment surtout où ces armes sortaient de l'arsenal de notre grand maître à tous - Shakespeare.» Hugo qui a accepté de faire passer Le More sur la scène du Français avant son Hernani, l'a soutenu par des «applaudissements frénétiques», écrira-t-il plus tard à Sainte-Beuve, en se plaignant de l'ingratitude de Vigny. Stendhal avait vu juste quant à l'enjeu des combats : aux dires de Dumas, d'après un journal de l'époque, «On arrivait à la représentation du More de Venise comme à une bataille dont le succès devait décider d'une grande question littéraire. Il s'agissait de savoir si Shakespeare, Schiller et Goethe allaient chasser de la scène française Corneille, Racine et Voltaire.» À quoi il riposte, «Laissez-nous aspirer aux mêmes droits que vous, si nous avons des titres à ces droits. L'Olympe païen était assez grand pour six mille dieux ; pressez-vous un peu, dieux de la vieille France, et laissez entrer les dieux scandinaves et germains. La religion de Molière, de Corneille et de Racine sera toujours la religion de l'État ; mais que la liberté des cultes soit proclamée !»
Présentation de l'éditeur :
Qu'en est-il aujourd hui de Shakespeare, de sa place dans l'imaginaire et la création ?

Nous avons demandé aux écrivains qui entretiennent avec son oeuvre un fort engagement personnel de fêter ici le 450e anniversaire de sa naissance en s adressant directement à lui, pour lui exprimer ce qu ils lui doivent, lui reprochent, lui envient...

Cette correspondance collective, tour à tour jubilatoire, savante, intime, légère, violente, s'ouvre sur l'histoire mouvementée de cette passion française et se clôt par un retour inattendu, où il apparaît que le fantôme du père de Hamlet n est pas près de cesser de hanter notre temps.

Auteurs : Michèle Audin, Georges Banu, Pierre Bergounioux, Yves Bonnefoy, Hélène Cixous, Jacques Darras, David di Nota, Florence Dupont,Michael Edwards, Robert Ellrodt, Raphaël Enthoven, Jacques Jouet, Michèle Le Doeuff, Alberto Manguel, François Ost, Pierre Pachet.

Dominique Goy-Blanquet est angliciste, professeur d université, présidente de la Société Française Shakespeare.

Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.

  • ÉditeurThierry Marchaisse
  • Date d'édition2014
  • ISBN 10 2362800482
  • ISBN 13 9782362800481
  • ReliureBroché
  • Nombre de pages144
EUR 14,90

Autre devise

Frais de port : EUR 17,43
De France vers Etats-Unis

Destinations, frais et délais

Ajouter au panier

Meilleurs résultats de recherche sur AbeBooks

Image d'archives

GOY-BLANQUET, Dominique; CIXOUS, Hélène; AUDIN, Michèle; BERGOUGNIOUX, Pierre; BONNEFOY, Yves; DARRAS, Jacques; ELLRODT, Robert; DI NOTA, David; DUPONT, Florence; EDWARDS, Michael; ENTHOVEN, Raphaël; JOUET, Jacques; LE DOEUFF, Michèle; MANGUEL, Alberto; OST, François; PACHET, Pierre
Edité par MARCHAISSE (2014)
ISBN 10 : 2362800482 ISBN 13 : 9782362800481
Neuf Couverture souple Quantité disponible : 4
Vendeur :
Gallix
(Gif sur Yvette, France)
Evaluation vendeur

Description du livre Etat : Neuf. N° de réf. du vendeur 9782362800481

Plus d'informations sur ce vendeur | Contacter le vendeur

Acheter neuf
EUR 14,90
Autre devise

Ajouter au panier

Frais de port : EUR 17,43
De France vers Etats-Unis
Destinations, frais et délais