Extrait :
Extrait de l'introduction de Geneviève GIUDICELLI-DELAGE
Ce colloque s'inscrit dans le cadre de la recherche financée par l'Union européenne portant sur «Responsabilité pénale des personnes morales et programmes de conformité», menée par les Universités italiennes de Roma Tre et de La Sapienza, espagnole de Castilla-La-Mancha et française de Paris 1.
Le travail pour l'heure accompli a pris une double direction. La première, descriptive et comparative, a consisté en un état des lieux le plus exhaustif possible du droit législatif et jurisprudentiel des 27 États membres de l'Union européenne quant à la responsabilité des personnes morales - la comparaison s'élargissant à d'autres systèmes, tels américain, australien et suisse.
L'étude a notamment visé (en raison du cadre dans lequel la recherche est menée, celui des programmes de conformité) l'analyse du rôle du «défaut d'organisation» sur l'imputation d'une infraction à la personne morale. Conçu en particulier à partir du modèle italien, le modèle du défaut d'organisation entend concilier une politique de prévention de la délinquance d'entreprise et le respect des principes de la responsabilité pénale, au premier chef le principe de personnalité. Pour cela, est mise en place une responsabilité propre de l'entreprise. Il s'agissait donc tout à la fois d'évaluer les systèmes juridiques qui prévoient déjà ce type de responsabilité et de mesurer les possibilités d'extension aux États qui n'en disposent pas.
La deuxième direction, prospective, s'est concentrée sur la question de la rédaction d'une proposition de directive relative à l'harmonisation de la responsabilité des personnes morales (ou entités collectives, j'y reviendrai), et sur le point de savoir si le modèle italien du défaut d'organisation et d'une faute propre de la structure était ou non susceptible de constituer le matériau ou un matériau de cette harmonisation.
Bien qu'en apparence autonomes, ces deux directions sont au contraire en interaction.
Les enseignements tirés de l'état des lieux des droits internes apparaissent, en effet, mitigés. Si le principe d'une responsabilité des personnes morales tend à s'imposer dans les droits nationaux, les modalités d'application de ce principe présentent de notables variations.
Ces deux constats sont, notamment et partiellement, la résultante de l'influence européenne. L'existence d'instruments européens imposant aux États de prendre des mesures pour assurer que la responsabilité des personnes morales puisse être engagée a concouru aux développements internes du principe ; mais le choix laissé par l'Union entre une responsabilité pénale stricto sensu et une responsabilité punitive pouvant être administrative, le caractère fragmentaire des domaines d'intervention de l'Union, le laconisme ou l'absence de dispositions européennes quant à nombre de questions de droit pénal ou de procédure ont conduit à un éclatement remarquable des choix nationaux de politique criminelle. Il en résulte un cadre juridique extrêmement fragmentaire à l'échelle comparée tant au regard du champ d'application que des critères d'imputation ou des normes de sanction ou de procédure applicables.
Un tel éclatement n'est pas sans conséquences. D'une part, il affaiblit l'efficacité des dispositifs instaurés : la diversité des réponses nationales favorise les pratiques de forum shopping tout en perturbant les mécanismes de coopération judiciaire. D'autre part, le défaut de coordination, à raison du risque de cumul de réponses nationales répressives de nature et d'intensité variables, est porteur d'un appauvrissement des garanties dues à tout justiciable - serait-il personne morale.
Il paraissait donc nécessaire d'explorer les potentialités du recours au principe de la reconnaissance mutuelle en matière pénale, et notamment quant à la mesure dans laquelle une sanction prononcée dans un État membre contre une personne morale peut ou pourrait être reconnue et exécutée dans un autre État membre. De même il paraissait nécessaire d'explorer les questions que pose ou poserait l'application dans l'espace du modèle du défaut d'organisation ; d'envisager ainsi l'hypothèse de l'infraction commise sur le territoire d'un État qui prévoit un tel modèle par une entreprise domiciliée dans un État qui ne le prévoit pas, ou encore l'hypothèse d'une entreprise ayant satisfait aux standards d'organisation requis dans son propre État, mais ayant commis une infraction dans un État qui ne connaît pas de tels standards.
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