Extrait :
Préambule
Au pied de l'arbre, il n'y avait qu'un tapis de feuilles, et ce matin, des cèpes se dressent là, sous leurs chapeaux bombés. Le pré était désert, et en deux jours, il s'est peuplé de coulemelles. Le bouleau était mort, et il a pourtant engendré une famille de polypores qui émergent de son tronc.
Né de la terre, des rayons de la lune ou des pluies d'automne, le champignon est un être énigmatique. Considéré comme une plante sauvage, il n'est pas le fruit du travail du paysan et son origine douteuse suscite la méfiance. Quand sa forme n'est pas simplement obscène, elle déconcerte tant elle est variable. Comment distinguer le nourrissant du vénéneux, le médiocre comestible du savoureux ? L'apparition soudaine et la croissance fulgurante des champignons en font un symbole de la prodigieuse fécondité de la nature, mais leur activité souterraine, invisible, de dégradation et de fermentation, renvoie plutôt à la décomposition et à la mort.
Cette ambiguïté originelle explique en partie que le champignon ait été longtemps à la fois un légume célébré par les cuisiniers et un aliment suspect, déconseillé par les médecins. Les mycologues, quant à eux, tentent depuis plus de deux siècles d'en dresser l'inventaire, d'étudier leurs caractéristiques et de les faire connaître au grand public.
L'amateur qui se promène en forêt et le biologiste ne donnent pas la même définition de ce qu'est un champignon. Ce que le cueilleur considère comme tel n'est pour le botaniste que la fructification temporaire d'un organisme souterrain permanent bien plus important. Pour lui, le «champignon» est un simple porteur de spores, un sporophore (ou carpophore), qui naît du «vrai» champignon. Celui-ci est constitué par un réseau de filaments microscopiques, le mycélium, qui peut s'étendre sous terre sur des surfaces immenses. Le ramasseur de champignons ne s'intéresse qu'aux espèces visibles, susceptibles d'être cueillies. Le scientifique se passionne pour les espèces microscopiques et les moisissures, et s'émerveille des prodigieuses capacités de ces êtres si longtemps ignorés et méprisés.
Aujourd'hui, on commence à comprendre l'importance majeure des champignons dans le recyclage des matières organiques. Les biologistes ont scruté en détail leurs interactions fructueuses avec certaines plantes. Connus autrefois comme parasites et décomposeurs, ils se révèlent capables de nouer des associations symbiotiques avec les arbres. Pourtant, après deux siècles d'études, ils restent encore mystérieux. Malgré les connaissances accumulées par les mycologues, cèpes, girolles et truffes se montrent toujours aussi rétifs à la domestication !
Présentation de l'éditeur :
Du cèpe de Bordeaux au coprin chevelu, du pied-de-mouton à l'oreille-de-Judas, de la langue-de-boeuf à la vesse-de-loup, de la coulemelle au lactaire poivré, voici des portraits de champignons qui vont vous plonger dans des histoires humaines passionnantes.
Saviez-vous, par exemple, que les Indiens du Dakota nommaient les vesses-de-loup «nombril de bébé» car ils s'en servaient pour sa cicatrisation à la naissance ? Imaginiez-vous que l'amadouvier contenait une substance utilisée pour allumer le feu ? Ou encore, qu'à la fin du XIXe siècle, on récoltait trente fois plus de truffes qu'aujourd'hui ?
Après cette lecture, vous ne regarderez plus ces habitants de la forêt comme avant !
Jean-Baptiste de Panafieu a suivi un cursus universitaire sanctionné par plusieurs diplômes dans le domaine de la biologie, dont un doctorat en océanologie biologique. Un parcours qui l'a conduit à l'enseignement. Mais depuis plus de quinze ans, il s'est tourné vers la conception et la réalisation de films documentaires pour la télévision, notamment : Les Dessous de la Terre, Paysages géologiques, Histoires d'évolutions, etc. Il se consacre également à l'écriture d'ouvrages de vulgarisation scientifique. Il est l'auteur d'une trentaine de livres parmi lesquels : Évolution (éd. Xavier Barral), Curiosités animales (Éditions du Rouergue).
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