Extrait :
Les autres comiques brefs
Les plus grandes comédies de tous les temps ont été faites en deux bobines, peu importe par qui.
Hal Roach
Oh ! la postérité ! c'est un mot bien sublime ! Mais le siècle présent a droit à quelque estime : Et, si pour l'avenir Je travaillais aussi, il faudrait plaindre enfin les sens de ce temps-ci...
Le bouffon dans le Prologue de Faust de Goethe
Bien que le cinéma comique vieillisse plus lentement que le cinéma dramatique, les comiques du muet qui ont surmonté l'épreuve du temps et sont arrivés jusqu'à nous plus ou moins indemnes se comptent sur les doigts d'une main. Il faudrait en revanche quantités de mains pour rappeler le nom de tous ceux qui ont été oubliés. Sans parler de cette multitude de films qui est à jamais perdue.
Dans la sélection impitoyable opérée à la fois par le temps, le hasard et les simplifications historiographiques, il est donc difficile de prononcer un jugement global honnête sur ce cinéma qui eut une production pléthorique. Beaucoup d'oeuvres dispersées ne méritaient pas l'oubli dans lequel elles sont tombées ; la différence de qualité entre un Chaplin ou un Keaton et leurs collègues mineurs, aussi incontestable soit-elle, n'était peut-être pas énorme au point de justifier que les uns soient devenus des icônes du cinéma, tandis que les autres ne sont plus que cendres.
Souvent, le véritable défaut de ces films est qu'on ne peut les voir dans leur version intégrale, nettoyée, restaurée et dotée d'une musique d'accompagnement appropriée. Quand cela se produit, voilà que ces soi-disant acteurs mineurs nous apparaissent soudain moins insignifiants. Et s'il est vrai qu'ils s'essayèrent rarement et sans grand succès au long métrage, à savoir la voie royale du futur, il est vrai aussi que leurs courts métrages n'étaient pas ces moignons de film qu'il nous est souvent arrivé de voir, dans notre enfance, massacrés par de fatales diffusions à la télévision ou par le format Pathé Baby qui les réduisait à cinq ou six minutes chacun : les originaux pouvaient parfois durer une demi-heure et n'avaient rien à voir avec ces girandoles elliptiques presque futuristes auxquelles nous avons été habitués.
Quand le cinéma commença à s'identifier de plus en plus au long métrage, les comédies brèves continuèrent néanmoins à proliférer, en dépit du fait qu'elles étaient confiées le plus souvent à des artistes moins renommés : elles complétaient les films longs qu'elles précédaient ou suivaient. Toutefois le public supportait souvent les longs métrages dans le seul but de voir ces comédies de garniture, et non l'inverse. De même, sur les affiches, les noms des comiques - y compris ceux dont personne ne se souvient aujourd'hui - avaient plus de place que ceux des acteurs dramatiques.
Aujourd'hui, il ne reste que peu de chose de cette kermesse mobile : quelques dizaines de noms et quelques milliers de films, une moindre partie de ce qui fut réalisé. Et d'ici quelques décennies, il sera plus facile d'espérer découvrir une tombe égyptienne datant d'il y a cinq mille ans qu'un film perdu des premières années du vingtième siècle : les pharaons pensaient à la postérité, pas les comiques des tartes à la crème. Pourtant, quelque chose de ces grimaces et de ces tartes est resté et n'a rien perdu de sa saveur. Ce livre est l'histoire de ce qui en reste.
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Présentation de l'éditeur :
Les années d'or du cinéma comique muet : Charlie Chaplin et Buster Keaton, Stan Laurel et Oliver Hardy, Harry Langdon et Harold Lloyd, les dernières farces, les premiers cartoons et les mille acteurs comiques oubliés.
Toutes les explications à l'intérieur de ce volume.
Ce second volume de l'histoire du cinéma comique américain est également consacré au muet, et en particulier à ses années d'or, revenues à la mode grâce au film The Artist. D'un côté, des dizaines d'acteurs comiques considérés comme mineurs aujourd'hui, mais qui faisaient fureurs à l'époque, font leur apparition : de Ben Turpin à Snub Pollard, de Max Davidson à Charley Bowers, mais aussi des enfants, des chiens, des singes... Et d'un autre côté, des maîtres atteignent la perfection et passent au long-métrage : Charlie Chaplin, Buster Keaton, Harold Lloyd, mais aussi Harry Langdon et Max Linder. Nous rencontrons les premiers héros de dessins animés : les dinosaures et les moustiques de Winsor McCay, les petites filles et les lapins du jeune Walt Disney, le célèbre chat Félix. Et à la fin des années vingt, apparaissent les deux acteurs comiques qui, aujourd'hui encore, restent les plus populaires et les plus appréciés : Stan Laurel et Oliver Hardy. Comme dans le premier volume (Tartes à la crème et coups de pied aux fesses), ce cinéma et ce monde sont examinés avec une attention critique moderne sur la base d'une vision directe des films, mais ils sont aussi racontés avec passion et ironie : pour offrir au lecteur non seulement un texte d'étude et de consultation, mais aussi une «histoire aventureuse», facile et plaisante à lire.
Enrico Giacovelli est né à Turin au siècle dernier et s'est diplômé en Histoire et critique du cinéma. Il a collaboré avec des quotidiens, des magazines, des organismes culturels, et a publié de nombreux livres en Italie parmi lesquels figurent des essais sur le cinéma, des textes de satire politique, des livres de mémoires et de voyages, et des romans biographiques. Organisateur d'événements culturels, il s'est aussi investi, en tant qu'auteur-narrateur et metteur en scène, dans des formes transversales de théâtre, surtout musical : théâtre de chambre, leçons spectacle, réalisations modernes de textes mineurs et oubliés. Il aime Mozart, Brecht, Céline, la musique et les chats.
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