Extrait :
Je suis né à Nancy un soir de novembre 1956, dans un quartier qui à l'époque était dit «malfamé». Les façades des immeubles étaient grisâtres, les artères encore pavées, et les rats cohabitaient avec les ordures encombrant les trottoirs. A chaque coin de rue, de belles fontaines en fonte ravitaillaient les riverains qui, pour la plupart, logeaient dans de vieux immeubles sans eau courante. Certains s'entassaient dans des greniers servant de dortoir aux immigrés arrivant à l'époque sans leur femme pour travailler dur.
Trois ans après la naissance de mon frère Michel, j'arrivai donc dans l'unique chambre de notre appartement de quarante mètres carrés. Je dormais dans le lit conjugal sans problème malgré mes sept mois et demi, à la joie de ma petite mère Ariette et au désarroi de mon vieux qui voulait une fille. Il me fit d'ailleurs payer cette frustration toute ma vie, sournoisement et violemment.
Je grandis donc au 14 Cours Léopold, dans ce petit logement d'une pièce avec cuisine, sans salle de bain et les WC dans la cour. Dans la chambre, des lits superposés étaient encastrés dans une alcôve à un mètre cinquante du lit des parents, entourée d'armoires et de commodes. L'hiver, un petit poêle à bois ne chauffait le dortoir que quelques heures par jour, car il aurait fallu le ravitailler en bûches régulièrement tout au long de la nuit. Alors la chambre, qui refroidissait d'heure en heure, était glaciale à l'aube, nos bouillottes refroidies et coincées au fond du lit.
Il faisait bon de se retrouver au réveil dans la cuisine, où la cuisinière à charbon carburait encore au petit matin. Sur le tuyau de poêle séchaient en éventail du linge et des torchons, et sur la plaque en fonte du dessus, astiquée à la paille de fer, il y avait toujours un faitout qui chauffait l'eau pour la toilette matinale, car nous n'avions pas d'eau chaude au robinet. C'était la pièce principale, aussi petite que la chambre, mais bien équipée par le vieux, à l'américaine, avec des placards tout autour. Il faut dire qu'il avait vécu cinq ans en banlieue de Chicago avant de connaître ma petite mère. C'est pourquoi il connaissait déjà les fameuses cuisines où tout était intégré et que beaucoup des copines de ma petite maman enviaient.
Dans cette cuisine qui nous servait aussi de salle de bain et de salon, nous étions assis sur des chaises en formica autour de la table, elle aussi de la même matière. Le lave-linge y avait également sa place. Il y avait une porte qui accédait à un cagibi équipé d'un établi, dans lequel mon père entassait une partie de son outillage et de la quincaillerie. Une des qualités de mon vieux est qu'il assurait vraiment en bricolage, tous corps de métier confondus. Alors il était souvent sollicité pour des travaux au black, ce qui nous permettait d'avoir la télévision, un réel luxe à l'époque, et aussi d'avoir de belles grosses vagos, une de ses rares passions.
Un mot de l'auteur :
Je crois que tout a commencé à force d'entendre mes amis et une bonne partie de mon entourage me ressasser : «Toi, il faut que tu écrives ta vie ! Laisses une trace de ton vécu». C'est vrai que celle-ci n'a pas été un long fleuve tranquille, mais quelque part au fond de moi, c'est un destin que j'ai choisi. Que ce soit professionnel ou sentimental, je suis un instable et un autodidacte. Voyou et baroudeur, alcoolique et drogué, flambeur et ayant exercé un panel de métiers sans aucun rapport entre eux mais toujours accomplis dans les règles de l'art. Et enfin, les femmes. Ah les femmes ! Je ne saurais dire combien j'en ai séduites, mais elles m'ont toutes donné du plaisir. Et même si certaines m'ont fait souffrir (c'est malheureusement celles qu'on aime en général), ça fait parti du jeu. Moi aussi, j'en ai fait souffrir et pas pour le plaisir...
Alors voilà, dans une période d'angoisse et de flemme, je me suis refait le film à l'envers, et puis l'envie m'est venue de l'écrire. Oh ! pas dans l'intention de me faire publier, je crois plutôt que ce fut une thérapie (comme dit ma femme)...
Je me suis juste permis d'imprimer le tapuscrit pour l'envoyer à ceux qui m'avaient conseillé de le faire, et les critiques se sont avérées encourageantes. Surtout celles de mon amie Chantal qui me proposait de faire les corrections, car il fallait à tout prix trouver un éditeur. La machine était mise en route et c'est comme ça que «Michto ou la haine crescendo» fit son apparition.
Ne vous attendez pas à de la littérature profonde. D'ailleurs je me suis permis de m'exprimer dans le langage de la rue et en tzigane (avec traduction bien sûr !), avec un peu d'humour, pas trop quand même ! C'est loin d'être une comédie, mais vous apprendrez sûrement des choses de la vie d'un voyou, et vous voyagerez vers divers horizons, géographiques et sociaux.
Daniel Panizzoli
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.