Extrait :
Les deux hommes avaient quitté Courmayeur le matin même, à l'heure où la rosée nocturne s'évapore en fumées bleues des lourds toits de lauzes grises. Marchant à grands pas sur la route d'Entrèves, ils atteignaient et dépassaient le petit bourg montagnard, encore assoupi dans sa conque verdoyante. Le sentier du col du Géant s'amorce là entre deux murettes de pierres sèches et court à la diable d'un lopin de terre à l'autre, respectueux des fantaisies du cadastre. À cette heure matinale, les étables déversaient sur le chemin leur trop-plein de bétail, cornes hautes et naseaux fumants, carillonnant de toutes leurs sonnailles. Dans les champs minuscules, épaulés de talus pierreux, quelques paysans binaient ; au passage des deux étrangers, ils arrêtaient un instant leur tâche, levaient la tête en gardant le buste mi-courbé vers le sol, et, l'outil en main, dévisageaient les voyageurs. Poliment, ces derniers saluaient :
«Bien le bonjour !
- Bonne montée !» répondaient les paysans.
Bientôt, le damier des champs cultivés cessa pour faire place à la forêt de mélèzes. Déjà la vallée semblait s'élargir, et le grondement de la Doire s'épandait plus librement dans l'air.
Comme le sentier, au premier lacet, heurtait de front la montagne, les marcheurs firent halte. D'abord le jeune, un adolescent robuste qui jusque-là montait avec une certaine fantaisie, bondissant d'un bord à l'autre du chemin, sautant avec agilité sur les murettes, fauchant d'un large coup du manche de son piolet les orties qui gênaient sa marche, ou bien s'arrêtant brusquement, pour regarder en contrebas le village coincé entre les deux parois de la montagne, la vallée paisible et les lointains bleutés sous le ciel de saphir. Ensuite le vieux qui, à quelques toises derrière, allait lentement, d'une foulée égale, pliant légèrement le genou comme pour mieux sentir la terre sous ses grosses semelles cloutées.
«Fini de faire le cabri, mon Pierre, dit-il en rejoignant le jeune, posons les sacs et soufflons.»
Présentation de l'éditeur :
Après la mort tragique de son père, foudroyé lors d'une course sur le Mont-Blanc, Pierre répond à l'appel de la montagne et organise une expédition pour retrouver son corps. Mais il se met à souffrir du plus redoutable des maux pour un alpiniste : le vertige. Courageux, Pierre décide malgré les dangers d'être premier de cordée. Parviendra-t-il à affronter ses peurs ?
«Une gêne insurmontable l'envahit; son regard se détourne de l'à-pic qui fuit; il bute, fait un faux pas et se raccroche nerveusement à son piolet. Il s'arrête, le front moite de sueur; la peur, une peur atroce s'empare de lui.»
Pierre se découvre une vocation : il sera premier de cordée en haute montagne, mais saura-t-il surmonter ses peurs ?
Pierre se destinait à l'hôtellerie, jusqu'au jour où son père, célèbre guide de haute montagne, meurt foudroyé lors d'une course sur le Mont-Blanc. Pierre répond à l'appel de la montagne, il organise une expédition pour retrouver le corps de son père. Mais il souffre du plus redoutable des maux pour un alpiniste : le vertige. Pourtant, il ne recule pas devant le danger et décide d'être premier de cordée, envers et contre tout.
Roger Frison-Roche
L'auteur est né en 1906 et mort en 1999. Il a écrit une trentaine d'ouvrages, publiés aux éditions Arthaud et Flammarion. Il fut d'abord guide de haute montagne, puis journaliste et écrivain.
Raphaël Gauthey
L'illustrateur est né à Paris et vit à Lyon. Il a suivi les cours de l'École Emile Cohl et a travaillé comme infographiste pour des jeux vidéo. Il se consacre désormais à l'illustration et à l'animation.
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