Peinetures: Écrits sur l'art - Couverture souple

Cixous, Hélène

Couverture souple

ISBN 10 : 2705670610 ISBN 13 : 9782705670610

Editeur : Hermann, 2010

A propos du livre

Extrait :

Peinetures
par Hélène Cixous

Il n'y a pas d'art qui ne soit pas un acte de résistance sublimée.

L'individu que je suis est en état de réponse à la peinture. Je ne peins pas, mais au moment où je dis «je ne peins pas», je dis une chose qui est vraie mais je pourrais aussi la déplacer en disant que si je peins, c'est autrement. Au moment où je dis cela, je ne peux pas m'empêcher de commencer à peindre autrement, de me dire que je serai entraînée par le signifiant «peint», «peine», «pain», «paint», donc que j'associerai «peins» et «peine». Je le sais par ouï-dire, il y a peine à créer artistiquement, en particulier en peinture. Nous avons des témoignages nombreux de la peine des peintres. De leur façon d'être à la peine, à la peinture et à la peine. Il y a des exemples extrêmement notoires, le peintre à la peine le plus notoire étant probablement Van Gogh... Mais je pense que c'est un trait de peinture, que cette espèce de combat, d'affres, qui font peineture. Je fais un petit pas de côté : il y a des peintres qui ne sont pas à la peine, il y a des peintres dont le génie est joyeux, par exemple Picasso. Mais la plupart des peintres sont des chercheurs, des explorateurs qui produisent de grandes ruptures dans l'histoire de la peinture. D'une certaine manière je les envie, parce que je me dis que quand en littérature, l'art voisin, on est poussé vers la rupture, c'est moins perceptible; il y a une sorte de résistance généralisée de la réception au geste de rupture en littérature. À cause des structures institutionnelles, de la réception sous la forme du public, de la critique, etc.
En disant tout cela, je me rends compte que les oeuvres qui m'appellent, auxquelles je réponds, celles dont j'entends l'appel, souvent sont des tableaux, un ou deux tableaux, surgis seuls de l'ensemble peint de tel ou tel auteur. (Je fais exprès d'échanger la sémantique de l'art pictural et de l'art d'écrire.) Je ne peux pas dire que Rembrandt et Hantaï soient de la même peinture, et pourtant il y a quelque chose en commun, et cette chose ou ces choses en commun, qui sont assez difficiles à définir, mais que j'essaie de saisir, sont justement en rapport avec la «dissidanse» - le mot dont je me suis servie pour intituler le texte que j'ai écrit sur l'oeuvre de Nancy Spero, cette grande et rebelle artiste new-yorkaise. Il se trouve que chaque fois ce sont des actes dissidents qui sont des opérations violentes. En disant opérations je suis en train de citer : c'est le mot, tout à fait ordinaire et familier en français, que Derrida a réinscrit et souligné pour en exprimer le jus de violence dans Voiles, en rappelant alors que la cause du texte dont j'étais l'auteur et qui s'appelle «Savoir» était une opération. Évidemment il joue, comme il le fait toujours, comme il le signe toujours, toutes les applications et les ressources du mot «opération» en français. Un mot qui, lorsque l'on passe dans une langue de traduction, ne fonctionne pas. Ce mot latin existe dans toutes les langues, mais on n'utilisera pas le mot «opération» en anglais pour parler de l'acte chirurgical, on utilisera le vocabulaire de la chirurgie, surgery.

Présentation de l'éditeur :

L'art a toujours été au coeur de l'oeuvre littéraire d'Hélène Cixous, d'abord par les références à des tableaux qui s'annoncent comme des « semblables poétiques » de ses textes littéraires : Le Boeuf écorché de Rembrandt, Le Chien de Goya, Les Trente-six Vues du Mont Fuji de Hokusaï, Peinture (Écriture rose) de Hantaï... Dans les années 80 et 90, Hélène Cixous consacre déjà des écrits à la peinture de Rembrandt, aux chorégraphies de Karine Saporta et aux créations de Sonia Rykiel. Toutefois, ce ne sera qu'à partir des années 2000 que l'écrivain multiplie des textes créés en collaboration ou en complicité avec l'oeuvre de divers artistes contemporains, notamment la peinture de Nancy Spero, les photographies de Roni Horn, ainsi que les installations de Maria Chevska, le cinéma de Ruth Beckermann et l'oeuvre plastique de Jeffrey Gibson. Il ne s'agit pas de textes savants, de critique d'art. Tel que l'auteur elle-même le dit : « Jamais devant un tableau je ne me trouve en train de disserter : devant un tableau, je réagis ». Cixous ne se prétend pas « amateur » ou « connaisseur » de peinture. Elle se prête simplement, selon ses propres mots, « à des rencontres avec des expériences qui sont vitales, qui sont décisives, venant d'autrui et qui bien sûr se rapportent à moi ». Ces textes ont été publiés dans des catalogues et des revues d'art de difficile accès, ou parfois seulement en traduction. Nous avons voulu les réunir ici pour diffuser ce volet moins connu de l'oeuvre d'Hélène Cixous. Elle y explore la puissante proximité de l'écriture picturale et littéraire. Par la lecture de ce livre, le lecteur comprendra peut-être pourquoi, nous dit l'auteur, « je fais exprès d'échanger la sémantique de l'art pictural et de l'art d'écrire ».

À propos de cette édition

• Éditeur: Hermann
• Date d'édition: 2010
• ISBN 10: 2705670610
• ISBN 13: 9782705670610
• Reliure: Broché
• Nombre de pages: 179