La fabrique de la paix: Acteurs, processus, mémoires - Couverture souple

Couverture souple

ISBN 10 : 2705673520 ISBN 13 : 9782705673529

Editeur : Hermann, 2015

A propos du livre

Extrait

La mémoire du triumvirat : entre censure, autocensure et devoir d'oubli

Paul-Marius Martin
Université Paul-Valéry Montpellier III, CRISES (E.A. 4424)

Les Ides de mars 44 furent suivies d'une guerre civile qui ne prendra fin qu'avec la prise d'Alexandrie (août 30). Cette période demeure une «mal-aimée» de l'histoire, pour deux raisons : 1) on a tendance à la considérer comme un no maris land entre République et Principat, une zone de transition si incertaine qu'on dispute toujours de la date de la fin de la République : Philippes ? la lex Titia ? Actium ? 2) nos sources sur cette période sont pauvres, obliques et, pour la plupart, postérieures aux événements.

LA TERREUR TRIUMVIRALE

La «révolution» triumvirale instaura un climat de terreur tel que Rome n'en avait jamais connu lors des guerres civiles précédents ; les listes de proscription ouvertes instaurèrent une insécurité légale. Par une monstruosité juridique, la lex Titia, sans abolir les institutions républicaines, les suspendait au prétexte de les restaurer et inaugurait une forme inédite de regnum au nom de la libertas ! Cette fiction demeura jusqu'aux Res Gestae d'Auguste : «J'ai rétabli la liberté républicaine opprimée par la domination d'une faction.» En dépit de la chape de silence tombée sur cette période, la vérité finit par percer, avec Sénèque, puis Tacite, et enfin Dion Cassius. La question que nous posons aujourd'hui est celle-ci : cette difficulté qu'eut la vérité à percer ne procède-t-elle pas, au moins autant que de la promotion d'une histoire officielle, d'une oblitération ?

Si quelques-uns se souvenaient de ses premiers actes, à savoir ceux qu'il avait réalisés pendant les guerres civiles, ils les attribuaient à la nécessité des choses et prétendaient ne vouloir examiner ses sentiments qu'à partir du moment où il avait eu seul le pouvoir absolu.

Ce passage de Dion Cassius dit clairement qu'il y a eu oblitération de cette période dans la génération contemporaine. Dans quelle mesure fut-elle volontaire, et pourquoi ?

LA PAROLE BÂILLONNÉE

Que la parole ait été bâillonnée sous le triumvirat est une réalité largement attestée. En témoigne cette réflexion humoristique, faire probablement pendant la guerre de Pérouse : A l'époque triumvirale, Pollion déclara, comme Auguste avait écrit contre lui des vers fescennins : «Quant à moi, je me tais : il n'est pas facile d'écrire contre qui peut proscrire.» Ou encore le «mot» du juriste Cascellius répondant aux conseils de prudence qu'il pouvait se permettre toutes les hardiesses, étant vieux et sans enfants. La parole fur même parfois détruite. Sénèque le rhéteur imagine ce scénario d'une Suasoire, censée se passer fin 43 : Cicéron délibère s'il va brûler ses écrits, contre la promesse de vie sauve par Antoine, s'il le fait. Bien que le premier autodafé d'ouvrages ne soit attesté que sous Auguste, vers 8 apr. J.-C., la fiction imaginée pour Cicéron laisse penser que la pratique en fut antérieure : Appien rapporte qu'après Nauloques, Octavien fit brûler tous les documents écrits relatifs à la guerre civile, en déclarant qu'il restaurerait intégralement la constitution quand Antoine reviendrait de la guerre Parthique... En réalité, il s'agissait d'abolir la mémoire de la période «hors la loi». Opération partiellement réussie. A preuve : dans son résumé de l'histoire du droit romain, Tacite «omet» la période qui va de 49 à 29. «Après quoi, vingt ans de discorde continue : ni morale, ni droit ; les pires actions furent toutes impunies et beaucoup d'honorables punies de mort.»

Présentation de l'éditeur

Ce livre analyse les processus de paix autour de trois questions étroitement liées.

Est-il possible de dégager un schéma, un modèle ou des similitudes dans les façons de parvenir à la paix ?

A contrario, quelle typologie peut-on établir pour les échecs, les déraillements et les effondrements du processus de paix ?

Enfin, la paix peut-elle être imposée ?

La dimension internationale a été valorisée, tant par l'origine des auteurs que par les sujets traités dans les textes ici rassemblés. Toutefois, la «fabrique de la paix» ne se cantonne pas dans ces aspects et à ces niveaux gouvernementaux. La réflexion est ouverte au «vécu concret» comme à la question, par exemple, de la pacification des mémoires.

La comparaison des processus de paix sur des périodes très différentes est une façon de faire ressortir les continuités, mais aussi les particularités plus marquées, ce qui invite alors à rechercher des explications.

L'histoire s'ouvre ici à d'autres disciplines comme l'histoire de l'art, la sémantique, la philosophie, l'anthropologie. La paix, comme décision politique, n'est pas seulement le résultat d'un rapport de forces militaires, elle exprime une image de soi et des autres. Elle est plus que la fin de la guerre.

Directeurs : Antoine Coppolani est historien et professeur des Universités à l'Université Paul-Valéry Montpellier III. Charles-Philippe David est professeur de sciences politiques, co-président de l'Observatoire sur les États-Unis, co-président de l'Observatoire de géopolitique, et titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques à l'Université du Québec à Montréal. Jean-François Thomas est professeur de grammaire et de philologie latines à l'Université Paul-Valéry Montpellier III.

À propos de cette édition

• Éditeur: Hermann
• Date d'édition: 2015
• ISBN 10: 2705673520
• ISBN 13: 9782705673529
• Reliure: Broché
• Nombre de pages: 367
• Éditeur: Antoine Coppolani, Charles-Philippe David, Jean-François Thomas