Vies de Diderot, Volume 1. Portrait du philosophe en mystificateur: L'�cole du persiflage - Couverture souple

Chartier, Pierre

9782705680329: Vies de Diderot, Volume 1. Portrait du philosophe en mystificateur: L'�cole du persiflage

Couverture souple

ISBN 10 : 2705680322 ISBN 13 : 9782705680329

Editeur : Hermann Glassin, 2012

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Pr�sentation de l'�diteur :

En Denis Diderot nous appr�cions surtout l'auteur des contes et des entretiens, des Salons, de Jacques le Fataliste ou du Neveu de Rameau. Nous saluons sa �gaiet� paradoxale, sagesse travaill�e par une d�capante folie. Chez le responsable de l'Encyclop�die, philosophe libertin censur�, dont bien des �crits n'ont �t� publi�s qu'apr�s sa mort, une telle revanche vaut reconnaissance : � c�t� de son �fr�re ennemi� Rousseau, il est, � la toute fin de l'�ge classique, l'une des sources vives de la litt�rature fran�aise moderne. Comment cela ?

Promoteur virtuose de la mystification �litt�raire�, Diderot a exp�rimentalement sond� les �prestiges� du sensible : art, science, politique. Il y engage � sa mani�re sa vie. Au croisement du vrai et du faux, du th��tral et du narratif, du priv� et du public, de l'oral-corporel et du scriptible-repr�sentable, le portrait gigogne propos� ici du grand (d�)Mystificateur pantomime se voudrait la seule biographie digne de ce nom : celle que dessinent pour lui ses lecteurs � venir, invit�s � une incessante actualisation critique.

L'�COLE DU PERSIFLAGE, ce premier volume, cerne les n�ologismes persiflage (d�s Les Bijoux indiscrets, 1748) et mystification, sa soeur jumelle, avant d'examiner chez l'auteur de la Lettre sur les sourds et muets les premi�res formes, hallucinatoires et anticipatrices, d'une �criture de l'auto-fiction : La Religieuse (1761), cons�quence romanesque d'une mystification, et l'entreprise th��trale r�formatrice, contest�e et �automystifi�e�, Le Fils naturel et Le P�re de famille, accompagn�s de leurs discours d'escorte th�oriques (1758-1759) : p�riode d'audaces, de perc�es et de conflits, moment de crise.

P. Ch.

Professeur � l'universit� Paris-Diderot, pr�sident de la soci�t� Diderot, Pierre Chartier livre une somme longuement m�dit�e, qui �claire les aspects les plus divers de l'oeuvre de Diderot � partir du point de vue original et f�cond de la mystification des Lumi�res.

Extrait :

�Un mot qu'on n'entend pas�

I. JARGON, VOLTES ET RAILLERIES

1. Les persifleurs de Banza

Il y a dans Les Bijoux indiscrets un joli passage o� le courtisan S�lim rapporte, parmi d'autres manies, l'�trange comportement qui saisit un temps les �petits-ma�tres� � la cour de Congo. Ne voyait-on pas alors, sous le r�gne du grand-p�re de l'actuel sultan, ces jeunes fous, traversant de biais la soci�t�, pivoter lestement sur un talon en poursuivant, de l'un � l'autre de ceux qu'ils rencontraient, et sans liaison aucune sinon celle de leur insolence, un propos que pour chacun rien n'annon�ait, rien non plus ne justifiait ? C'est, nous dit-on, car la mode en est rest�e, des �persifleurs� :

�On commen�ait alors, comme aujourd'hui, � quelqu'un un discours, qu'on allait en pirouettant continuer � un autre et finir � un troisi�me, pour qui il devenait moiti� obscur, moiti� impertinent.� (chap. XLVII)

Ce babil incongru, en son encha�nement provocateur, est � la fois port� et brouill� par les mouvements impr�visibles des persifleurs, qui paraissent �chapper � l'auteur m�me. Rench�rissant sur leur d�sinvolture, Diderot les �voque, mais en passant, et parmi d'autres excentricit�s ; il ne leur reconna�t explicitement � premi�re vue ni place ni valeur particuli�res. C'est qu'� la diff�rence des aveux surpris par l'anneau de Cucufa, les propos et postures excentriques des �l�gants de Cour n'occupent pas dans le r�cit de fonction centrale. On n'attend pas d'eux qu'ils contribuent, en inqui�tant les dames congeoises, � d�sennuyer et � instruire le prince, et partant � distraire le lecteur. Mais, � la r�flexion, qui sait ? Ils le distraient � leur mani�re, alors que, bizarrement, ils ne laissent pas de troubler tout un chacun. Comme un �cho dans le texte, ils ponctuent et redoublent de loin en loin, pendant une cinquantaine de chapitres, l'intempestif caquet des bijoux. Quelle pourrait bien �tre la fonction de ce contrepoint en mineur ? Et quels sont ces persifleurs ? Faut-il les croire, ou non, insignifiants ? La moquerie tourbillonnante qui les habite prend malignement le public en d�faut. Dans l'incertitude, nul ne doit se croire pr�serv� de leurs manigances. Rien de moins rassurant que ce terme insolite, que ces voltes bizarres, ces �nonc�s sans queue ni t�te.

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