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Séguy, Alain La réalité physique ISBN 13 : 9782705687281

La réalité physique - Couverture souple

 
9782705687281: La réalité physique
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Extrait :
Science et réalité absolue

LA RECHERCHE DE LA VÉRITÉ

La science s'enracine dans le désir. Or, par-delà la série des objets finis dont la possession ne permet qu'une jouissance éphémère, le désir aspire ultimement à l'absolu. Car seul l'absolu peut lui apporter la plénitude. Si l'absolu est l'objet même de la pensée symbolique, alors cette dernière est au coeur de la science. En cela, le scientifique est semblable au poète. Tous deux s'efforcent d'atteindre la Vérité, de saisir la Réalité dans son essence même.
Mais là où le poète s'efforce d'atteindre l'absolu dans l'homogénéité de la pensée symbolique, en plongeant dans la dérive indéfinie et inconsciente des métaphores, des métonymies et des antiphrases, le scientifique s'appuie sur la rationalité. Son intuition première, native, est en effet la même que l'intuition rationaliste qui nourrit la philosophie occidentale, non pas depuis l'avènement de la modernité au XVIe siècle mais depuis Pythagore (vers -580/vers -485), qui serait l'inventeur du mot «philosophie» : l'être, dans son essence même, serait rationnel. Et l'instrument le plus puissant et le plus efficace pour saisir la Vérité et la Réalité serait la rationalité logico-mathématique. Les pythagoriciens découvrent une double preuve à cette thèse : les mouvements des êtres les plus parfaits, les corps célestes, relèvent d'une cosmologie rationnelle qui permet notamment de prévoir des éclipses solaires. Quant aux êtres terrestres, même leurs qualités sensibles, que John Locke (1632-1704) qualifiera de secondes, sont intégralement réductibles à une analyse numérique. C'est notamment le cas des sons : Pythagore a ainsi découvert que les accords musicaux d'octave, de quinte et de tierce, correspondent à des rapports numériques déterminés.
Le problème toutefois est que la pensée symbolique ignore le principe de non-contradiction, qui est au centre de la rationalité logico-mathématique. Pensée symbolique et rationalité ne sont pas homogènes. Elles peuvent même entrer en conflit. Quant à l'absolu, en choisissant la voie de la rationalité, le scientifique s'en écarte inexorablement pour étudier les différences relatives, réinterpréter le qualitatif en termes de quantité et tout soumettre au primat de la mesure. Paradoxalement, plus il progresse dans son savoir, et plus son objet ultime semble s'éloigner. Il y a de l'ascète chez le scientifique. Sa voie est celle du renoncement, au sens où il doit renoncer à fusionner immédiatement avec son objet primordial, différant sans cesse sa rencontre. Mais ce renoncement n'est pas total. Le rêve est toujours présent. Le scientifique ne désespère pas de parvenir en fin de compte, par sa maîtrise croissante du relatif, à une saisie plus profonde de l'absolu.

LE SCIENTIFIQUE, LE RATIONALISTE ET LE SCEPTIQUE

La question toutefois se pose de la légitimité d'un tel rêve. C'est-à-dire de la validité de l'intuition rationaliste. Cette question a déjà été posée, il y a de cela longtemps, depuis les origines mêmes de la philosophie grecque. Les sophistes, puis les sceptiques, ont exprimé ici leurs doutes. La raison ne peut, selon eux, parvenir à une saisie de l'essence même de l'être.
Une telle thèse peut se comprendre à deux niveaux, plus ou moins corrosifs par rapport au projet rationaliste. Le premier niveau revient à dire que l'être en soi est inaccessible à la pensée scientifique. Le second, plus radical, revient à dire que l'être en soi est une illusion. Il n'y a pas d'être, la réalité n'est que relative, et donc il n'y a pas de Vérité. Mais s'il n'y a pas de Vérité, comment pourrait-il y avoir de science ? Le rejet du modèle rationaliste s'est donc identifié historiquement au rejet de la science elle-même. Ici, le scientifique, qui voit les progrès de sa discipline et constate son efficacité prédictive, ne peut que s'opposer à la sophistique aussi bien qu'au scepticisme, ce qui le renforce dans sa croyance rationaliste. (...)
Présentation de l'éditeur :
Leibniz comprenait la question «pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?» sur un mode ontologique ; il l'interprétait dans le cadre d'une physique continue, linéaire et nécessaire; et il y répondait en invoquant le principe de raison suffisante. Nous comprenons désormais cette question sur un mode non ontologique, en substituant une notion relativiste et pragmatiste de réalité à la notion absolue d'être ; nous l'interprétons dans le cadre d'une physique discontinue, non linéaire et probabiliste ; et nous y répondons en dénonçant, sur un mode non sceptique, le principe de raison suffisante.
Opérer un tel renversement de l'analyse leibnizienne ne suffit toutefois pas. Car nous restons dans le cadre de la logique binaire adoptée par Leibniz, à savoir l'opposition entre le quelque chose (i) et le rien (o)...

Alain Séguy-Duclot est Maître de conférences en philosophie à l'université François-Rabelais de Tours. Agrégé et docteur en philosophie, il a notamment publié Recherches sur le langage (2011).

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  • ÉditeurHermann
  • Date d'édition2013
  • ISBN 10 2705687289
  • ISBN 13 9782705687281
  • ReliureBroché
  • Nombre de pages475

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