L'événement du texte: Lectures philosophiques de la Bible, Volume 2 - Couverture souple

De Launay, Marc De

Couverture souple

ISBN 10 : 2705690360 ISBN 13 : 9782705690366

Editeur : Hermann, 2015

A propos du livre

Extrait :

Extrait de l'introduction

On pourra discuter longtemps encore sur les problèmes, certes complexes, que pose la datation exacte de la rédaction de la «Bible» et de la composition stabilisée de la Tora. Si l'on adopte une fourchette relativement large qui va des premiers éléments rédigés à la composition décidée, et peu importe alors une chronologie plus précise, il n'est pas déraisonnable d'opter pour l'hypothèse qui situe le processus entre le XIe et le Ve siècle avant l'ère commune. La question de la datation n'a pas d'intérêt en tant que telle : ce qui, en revanche, importe est la possible comparaison avec d'autres phénomènes voisins, c'est-à-dire l'émergence d'une pensée philosophique grecque en Ionie à la suite d'un réagencement, voulu cohérent, de la mythologie chez Hésiode, et la rédaction aux alentours du Xe siècle de la poésie védique qui, elle aussi, entend récapituler et ordonner tout un matériel «mythique» préalable. En effet, la distance réflexive prise par Hésiode à l'égard de sa tradition de récits mythiques, celle qu'on observe également dans la poésie védique indiquent l'une et l'autre qu'un tournant décisif est à l'oeuvre dans l'est méditerranéen, er la rédaction de la Tora s'inscrit sans conteste au coeur de ce processus. Le trait commun à ces trois courants est une pratique intellectuelle extrêmement raffinée dans ses démarches scripturaires qui, dans chaque cas, élabore un texte écrit dont la rédaction peut puiser à des sources disparates, et dont, en revanche, la composition vise indubitablement une cohérence qui désormais est reconnue prévalente par rapport aux dérives de la critique biblique s'acharnant à découper le texte selon d'hypothétiques rédacteurs distincts. L'identification des sources défend, sans le savoir toujours clairement, un préjugé moderniste qui voudrait refuser aux Anciens un talent «moderne» tout emprunt de rigueur, modelé d'ailleurs sur un idéal grec reconstitué - le «livre» devenant un microcosme obéissant aux mêmes lois que le cosmos lui-même, et dont il serait en quelque sotte l'image ou la phénoménalité, à l'instar du fameux lit de la République de Platon. Au début du XXe siècle, en Allemagne où florissait la critique biblique aussi bien chez les chrétiens que chez les Juifs, la discussion sur la critique des sources qui ne cessait de croître s'est heurtée à l'argumentation pleine de bon sens et tout aussi rigoureuse d'un jeune rabbin qui, quelques années plus tard allait maintes fois être consulté par Buber et Rosenzweig lors de leur retraduction de la Tora avant de signer lui-même un monumental commentaire de la Genèse. La critique «archéologique» s'acharne à reconstituer le puzzle initial des fragments à partir desquels le texte que nous lisons depuis près de trois millénaires aurait été constitué : c'est oublier tout d'abord le travail de composition, on l'a dit, et, sans doute aussi les maintes réécritures auxquelles ce travail a pu donner lieu. C'est, surtout, tourner le dos d'emblée à son unité textuelle qui devrait au premier chef attirer l'attention. Levinas résume clairement à cet égard une même position que celle de Benno Jacob :

«Que la critique historique moderne ait montré que la Bible avait des auteurs multiples, répartis sur des époques très différentes [...], ne change rien [...]. Car j'ai toujours pensé que le grand miracle de la Bible n'est nullement dans l'origine littéraire commune, mais, à l'inverse, dans la confluence de littératures différentes vers un même contenu essentiel. Le miracle de la confluence est plus grand que le miracle de l'auteur unique. Or le pôle de cette confluence est l'éthique qui domine incontestablement tout ce livre.»

Présentation de l'éditeur :

Confronter les interprétations que donnent plusieurs philosophes modernes de la Bible fait apparaître une inadéquation de leur méthode, même lorsque leurs intentions ne sont pas d'emblée commandées par une volonté critique. Léo Strauss, Hermann Cohen, Walter Benjamin, Paul Ricoeur se livrent à des exégèses très élaborées, mais soit le philosophe prend le pas sur l'herméneute, soit le sens du texte interprété semble déjà arrêté avant même son interprétation. Bible et philosophie appartiennent sans doute à deux traditions concurrentes; or elles sont nées d'un même tournant de la culture où le statut du mythe a été mis en cause grâce à la promotion d'une autre manière de comprendre le langage. La question principale est donc d'abord celle de la méthode, et ce problème est bien d'ordre philosophique. Par ailleurs, le tournant opéré par la Bible, à la différence de la révolution philosophique, forge une conception nouvelle, toujours contemporaine, d'une histoire qui n'est ni cyclique ni déterminée par un destin ou par des lois. Ces lectures ouvrent ainsi sur un parcours qui cherche à faire ressortir, à travers l'élaboration des «préceptes et des sentences», toute la richesse de la dimension symbolique.

Marc de Launay est chercheur au CNRS en philosophie allemande (Archives Husserl de Paris - ENS-Ulm) ; il est également traducteur de philosophie et de poésie allemandes. C'est le second ouvrage qu'il consacre à l'herméneutique biblique.

À propos de cette édition

• Éditeur: Hermann
• Date d'édition: 2015
• ISBN 10: 2705690360
• ISBN 13: 9782705690366
• Reliure: Broché
• Nombre de pages: 154