Aurais-je sauvé Geneviève Dixmer ? - Couverture souple

Bayard, Pierre

Couverture souple

ISBN 10 : 2707328340 ISBN 13 : 9782707328342

Editeur : MINUIT, 2015

A propos du livre

Extrait :

Toute ma vie aurait sans cloute été différente si je n'étais pas, pendant mon adolescence, tombé amoureux de Geneviève Dixmer.

L'héroïne du Chevalier de Maison-Rouge, le premier feuilleton de cape et d'épée de la télévision française, a fasciné des générations de téléspectateurs qui ont suivi pendant quatre semaines les aventures du mystérieux chevalier, désireux de sauver Marie-Antoinette, et, en parallèle, les amours impossibles de Geneviève Dixmer et de Maurice Lindey.
Ceux qui n'ont pas vu ce feuilleton historique ne peuvent comprendre notre émotion, surtout celle des plus jeunes qui découvraient le petit écran, à en suivre les épisodes de semaine en semaine. Une émotion demeurée en moi intacte, et que je retrouve vivante quand je regarde à nouveau ces images, qui continuent à me bouleverser.
Je ne suis pas seulement reconnaissant à l'actrice Anne Doat d'avoir enflammé mon adolescence. Je lui sais aussi gré d'avoir joué le rôle de passeuse vers le chef-d'oeuvre de Dumas et Maquet qui a été l'objet de l'adaptation de Claude Barma, de me l'avoir fait connaître et aimer. Sans l'interprétation lumineuse qu'elle a donnée du personnage de Geneviève Dixmer, je n'aurais pu connaître celle-ci et en tomber aussi éperdument amoureux.

*

Mes sentiments pour la jeune héroïne royaliste étaient d'autant plus forts que le film, comme le livre dont il est une adaptation fidèle, se terminait mal.
Jusqu'à la fin, c'est-à-dire la quatrième semaine et les dernières minutes du dernier épisode, j'ai espéré comme des millions de téléspectateurs qu'un miracle allait survenir et que la jeune femme ne connaîtrait pas le sort tragique vers lequel tout semblait pourtant la conduire.
Mais la fin était inéluctable, à la fois parce qu'elle était écrite et parce qu'elle était contenue dans le comportement de l'héroïne, et j'ai vécu comme un traumatisme la disparition de la femme que j'aimais. L'image terrible sur laquelle se termine le film, à laquelle je m'étais pourtant préparé, est restée ancrée en moi à jamais.
Peut-être cette fin tragique a-t-elle suscité chez moi un certain goût pour les amours malheureuses, voire impossibles. J'ai acquis très tôt le sentiment que l'amour absolu était un mythe, que la société se liguait toujours contre ceux qui tentaient de le vivre, et qu'il ne pouvait pleinement se réaliser que dans la mort.

*

Aujourd'hui que ce temps est bien loin, et puisque je n'ai jamais accepté la mort de Geneviève Dixmer, je ne vois pas de meilleure solution que de faire tout ce qui est en mon possible pour modifier le cours des choses.
Je n'entends pas ici, comme le veut la tradition de la réécriture et comme j'ai pu en recommander moi-même la pratique, me contenter de modifier le texte dans un sens qui serait plus favorable à Geneviève Dixmer et qui, en lui évitant la fin tragique que Dumas et Maquet ont écrite pour elle, me conviendrait davantage.
C'est à une transformation du texte beaucoup plus profonde que je voudrais procéder, non pas de l'extérieur, mais de l'intérieur, en entrant moi-même dans le roman, en devenant l'un de ses personnages et en participant à son intrigue. Seule cette méthode peut me permettre de tenir compte de tous les paramètres auxquels se sont trouvés confrontés les personnages de l'histoire.
Et seule cette entrée intime dans le texte, puis l'existence que j'y mènerai jour après jour, peuvent me permettre de faire la connaissance de Geneviève Dixmer, de vivre avec elle, de l'aimer et de tenter tout ce qui sera humainement réalisable, en respectant autant que possible le texte initial, pour l'aider à échapper au sort injuste qui lui a été réservé.

Présentation de l'éditeur :

Pour sauver de l'échafaud Geneviève Dixmer - l'héroïne du roman de Dumas et Maquet Le Chevalier de Maison-Rouge -, dont je suis tombé amoureux dans mon adolescence, je ne vois qu'une solution : entrer moi-même dans le livre et devenir l'un de ses personnages.
Transporté sous la Révolution, je serai alors confronté à une série de dilemmes éthiques, que la période rend encore plus sensibles («La fin justifie-t-elle les moyens ?», «Peut-on sacrifier une personne pour en sauver plusieurs ?», «Devons-nous assistance à tous ceux que nous croisons, ?»...) et qui peuvent se réduire à la question, aussi déterminante aujourd'hui qu'hier :» Qu'est-il juste de faire ?»

Pierre Bayard est professeur de littérature française à l'Université Paris 8 et psychanalyste. Il est l'auteur de nombreux essais, dont Qui a tué Roger Ackroyd ?, Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ? et Aurais-je été résistant ou bourreau ?

À propos de cette édition

• Éditeur: MINUIT
• Date d'édition: 2015
• ISBN 10: 2707328340
• ISBN 13: 9782707328342
• Reliure: Broché
• Nombre de pages: 160