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Du fragment ISBN 13 : 9782708012882

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9782708012882: Du fragment
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Extrait :
Pierre Pachet

Du bon usage des fragments grecs

La tradition grecque nous renvoie constamment à une fragmentation qui est l'oeuvre de l'histoire, et comme telle d'une haute valeur didactique. Les oeuvres d'art, les documents, les constructions et surtout les textes grecs se présentent à nous sur un fond de néant, la lacune multiforme que le temps dessine dans le tissu fragile travaillé par des générations. Ce qui reste est une ruine, et qui porte témoignage d'une ruine, en même temps que d'un édifice qui n'est plus. Ce qui reste est un papyrus troué, une pierre gravée que la pluie a érodée, un buste dont les traits fiers se sont adoucis, un poème avili dans sa chair par une manipulation millénaire. Ils nous renvoient à des absences auxquelles l'imagination, que l'on appelle aussi sens historique, donne une existence d'après la mort.

Personne, il est vrai, ne croit vraiment à la mort des créations humaines. Le plus rationaliste ne croit pas à sa propre mort, qu'il sait pourtant inévitable. Les sociétés ne sont pas différentes, et l'acharnement dont use la nôtre à rendre la vie a tant de restes anciens est le signe de ce poignant refus. Le développement de la science des antiques n'est pas le simple répondant du progrès de la science moderne : il en est la contrepartie magique, une conjuration du temps, une recherche d immortalité. La reconstruction d'un passé prestigieux suffira peut-être à rendre impossible l'abominable destruction de l'avenir que nous ne savons pas empêcher ; à tout le moins elle la rendra incompréhensible. Restituer dans son intégrité verbale un texte grec, c'est justifier à tout jamais l'invention de récriture, notre garde-fou contre les précipices de l'oubli : un tel enjeu justifie bien des audaces.

Il serait bon pourtant que les enfants des écoles vissent plus souvent à quel degré d'indignité en sont réduits ces grands noms derrière lesquels nous paradons. Epicure, par exemple. Mais peut-être la vue des rouleaux d'Herculanum, brûlés et tombant en poussière, leur représenterait-elle avec trop d'hallucinante précision cet énorme holocauste dont nous prétendons être les survivants. C'est pourtant dans ces débris que se présente, sous une forme exemplaire et énigmatique, l'objet d'art le plus fortuit et le plus parfait qui puisse résulter de la collaboration temporelle de l'homme et de la mort : le fragment.

Nous ne pouvons nous garder d'un sentiment du sacré, à la pensée et à la vue de si insolites objets. Aussi les abritons-nous dans les arches des musées, et n'autorisons-nous que les prêtres de la philologie et de l'histoire à y toucher. C'est à la fois justice, et déraison. Un juste sentiment d'humilité nous fait vouloir préserver par la force ce que notre faiblesse a détruit. Mais ceux que nous chargeons de rendre la vie à ces dépouilles n'en ont pas le pouvoir. La pensée ne peut revivre que dans la pensée, et l'art dans le beau. Aussi le conservateur ne peut-il que conserver, de préférence à l'abri de l'air.
Présentation de l'éditeur :
Tout fragment d oeuvre est émouvant en lui-même en ce qu il témoigne d une unité disparue, à laquelle il permet de rêver, tout en invitant à méditer sur le passage du temps. Un torse, une main, un pied, prennent ainsi, séparés, un sens qu ils n avaient sans doute pas quand ils n étaient qu une partie d une oeuvre complète. Aussi bien un fragment n est-il pas seulement le résultat d une destruction ou d une mutilation : comme l observe ici Pierre Pachet dans Du bon usage des fragments grecs, il pose la question de la survivance et de l interprétation des oeuvres d art à travers le temps. De cette question, Auguste Rodin s est sans doute avisé en découvrant les ressources expressives du fragment. Dans « Étreindre sans bras et tenir sans mains » Rodin et la figure partielle, Antoinette Le Normand-Romain cherche à comprendre la volonté du sculpteur de laisser inachevées certaines de ses oeuvres, conçues dès lors comme des fragments. En quoi celles-ci peuventelles cependant être perçues comme des oeuvres à part entière ? Rilke avait noté à leur propos : « Il ne leur manque rien de nécessaire. On est devant elles comme devant un tout achevé et qui n admet aucun complément ».

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  • ÉditeurOPHRYS
  • Date d'édition2011
  • ISBN 10 2708012886
  • ISBN 13 9782708012882
  • ReliureBroché
  • Nombre de pages69

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