Extrait :
Extrait de l'avant-propos
L'étude du Grand Schisme d'Occident aura jalonné toute ma carrière de chercheur. Le programme qui m'avait valu d'être recrutée comme chargée de recherche au CNRS, en 1982, n'avait pas d'autre objet. Et pourtant, s'ils devaient dire quelle est ma spécialité, beaucoup de collègues parleraient de chanoines et de chapitres...
De fait, la synthèse que j'avais initialement prévue comme point d'aboutissement de mes travaux n'est pas encore achevée. Dès lors, à l'exception des lecteurs de mes rapports d'activité et de quelques jeunes imprudents qui se sont mis à mon école, personne ne sait vraiment comment j'ai dirigé mes efforts, à partir de quelles hypothèses, de quels matériaux, et dans quel but.
A l'origine de mon intérêt pour cette période tourmentée se trouve un constat. Il y avait incompatibilité entre mes observations sur la réception du concile de Pise (1409) au chapitre de Laon et le discours des manuels d'histoire de l'Église d'inspiration catholique sur ce même sujet. Les récits des événements allant de la soustraction d'obédience de 1398 au concile de Constance y donnent l'impression vertigineuse d'une succession de coups d'éclat imprévisibles et scandaleux où l'élection de Martin V, le 11 novembre 1417, ramène miraculeusement la paix dans un univers totalement brouillé par l'irruption d'un troisième pape de pacotille, élu par une assemblée d'irresponsables au mépris du droit canonique. Or dans le registre de délibérations capitulaires laonnois couvrant les années 1407-1412, le greffier n'a certes pas fait état des discussions sur l'état de l'Eglise qui durent animer les chapitres - elles n'avaient pas à être rapportées dans une collection de procès-verbaux d'actes administratifs - mais l'opinion dominante transparaît clairement dans les deux additions qu'il apporta à son mode habituel de datation. A la veille de l'ouverture du concile de Pise, le 4 mars 1409, il précisa se trouver dans la quinzième année ab electione Petri de Luna qui Benedictus XIII dicebatur ultimo in papatu electi, et, à la réception du premier mandat de provision émis par l'élu du concile, il recopia les litteras apostolicas sanctissimi in Christo patris et domini nostri, domini Alexandri divina providentiel pape quinti graciosas videlicet et executorias.
Dès que l'achèvement de ma thèse m'en donna le loisir, je cherchai à élucider les questions qui m'avaient assaillie. Comment se faisait-il qu'un pape aussi peu présentable n'ait soulevé aucun doute ? Devait-on considérer Laon comme particulièrement favorable aux pontifes pisans ? Était-ce une façon de faire générale dans le royaume de France ?
Présentation de l'éditeur :
Enseignants et chercheurs en histoire médiévale ont en France une activité considérable et reconnue au plan international. En dehors des livres et des manuels qu'ils produisent, ils donnent une part importante des fruits de leurs recherches à des ouvrages collectifs, des périodiques et des encyclopédies. Il est donc nécessaire de procéder à un regroupement de leurs articles dispersés pour permettre à un large public de prendre connaissance de leurs résultats, de leurs hypothèses, et de leurs projets. La collection consacrée aux médiévistes français répond à cette préoccupation. Ici la personnalité du médiéviste donne au livre toute sa cohérence.
Que se passa-t-il dans l'Église au tournant du XIVe siècle, alors qu'elle était déchirée en deux obédiences obéissant à deux papes rivaux ? Il est d'usage de se lamenter sut la triste condition des clercs et des fidèles tandis que leurs pasteurs s'entre-déchiraient. Pourtant, l'obligation de chercher une solution extraordinaire à ce problème - ignoré du droit canonique - donna une vigueur remarquable à la réflexion ecclésiologique. Les assemblées du clergé voulues par le roi de France ont fini par prendre valeur de conciles et, bien que limitée dans le temps, la soustraction d'obédience a posé le problème de la réforme des institutions ecclésiastiques. Fondés sut des recherches phosopographiques, les seize articles ici rassemblés sont parus entre 1985 et 2001. Ils sont les prémisses d'une synthèse encore inachevée.
Dès qu'elle eut terminé sa thèse sur Les chanoines du chapitre cathédrale de laon (1373-1412), Hélène Millet entra au CNRS sur un programme voué au Grand Schisme d'Occident. Ce sujet lui a fourni la matière de contributions à diverses entreprises collectives, dont la parution, en ordre dispersé, n'avait pas permis de percevoir la cohérence. Sa participation à la grande aventure de La genèse de l'Etat moderne et la création des Fasti Ecclesiae Gallicanae ont ancré son travail dans l'espace européen et le monde des clercs.
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