Extrait :
Préhistoire et protohistoire
Généralités
L'écriture de l'histoire dépend pour partie de l'époque dans laquelle vivent ceux qui la rédigent, c'est-à-dire de la conception du monde, de l'organisation sociale, de la géographie qui prédominent au moment où l'historien conduit ses recherches. L'histoire de l'Asie du Sud-Est en général, et du Champa en particulier, n'échappe pas à ces déterminismes. Sauf exception, il n'y a pas eu de «regards croisés» qui auraient confronté des relations venues de cultures différentes sur cette histoire. Si bien qu'il a fallu attendre le recul du temps pour voir apparaître de nouvelles interrogations sur cette civilisation.
Les trois grandes étapes du passé - préhistoire, protohistoire et histoire proprement dite, ou, pour reprendre les termes actuels, l'âge des chasseurs-cueilleurs, suivi de l'âge du bronze, puis du fer, pour aboutir à des sociétés à États, ces grandes étapes ont été diversement traitées. Ce sera notre premier grand cadre historique. Si la connaissance de la préhistoire doit encore beaucoup aux travaux des chercheurs français des années 1930, celle des périodes de l'âge du bronze, du fer et de la protohistoire peut être entrevue grâce aux progrès de l'archéologie des régions voisines et des travaux récents des chercheurs vietnamiens, qui permettent d'insérer les cultures pré-cham dans des ensembles plus vastes et ainsi de mieux les comprendre. On peut également, grâce à la linguistique diachronique, rejoignant les fouilles archéologiques, tenter de retracer les grandes lignes de la préhistoire du Champa, ses productions et ses courants d'échanges.
Par contre les recherches concernant l'histoire proprement dite - celle des États - du Champa ancien sont longtemps restées en friche, faute de cadre conceptuel approprié, et faute de spécialistes. Certes les fouilles archéologiques ont été rendues difficiles par les divers conflits entre 1940 et 1954, pour la partie sud du centre Viet Nam, et de 1954 à 1975 pour sa partie nord, sans oublier les conflits presque millénaires entre Vietnamiens, montagnards, Khmers et Cham, les déplacements de populations que cela a dû entraîner, les destructions de sites, etc.
Il y a donc eu peu de tentatives critiques pour approfondir les rares données historiques, qu'elles soient événementielles ou sociologiques, si l'on excepte le problème de la localisation et de l'existence du Lin Yi d'une part, et de l'histoire de l'art d'autre part. Le plus souvent les rares auteurs qui traitaient de ces sujets se sont contentés, jusqu'il y a peu, de reprendre les travaux antérieurs. Or nos connaissances de l'histoire politique du Champa reposent essentiellement sur l'épigraphie et les annales chinoises et vietnamiennes et, pour les périodes plus tardives, les annales cham elles-mêmes.
On a tiré des annales vietnamiennes la thèse fondamentale de l'annexion progressive des territoires du Champa par les Vietnamiens, dans leur «descente vers le sud», à la suite de batailles successives, à partir de 1069. Cette théorie est cependant mise en cause par les vestiges laissés sur le terrain, et particulièrement ceux qui, au nord de Hué (monuments ou sculptures), faisaient indubitablement l'objet d'un culte par les Cham très longtemps après les «victoires» vietnamiennes. Comment expliquer par exemple la facilité avec laquelle les troupes cham auraient pu remonter jusqu'au Nghê An, c'est-à-dire très au nord de Dong Hoi, à la fin du XIVe siècle, alors que ces territoires étaient censés être sous domination vietnamienne depuis 1069 ?
Présentation de l'éditeur :
Entre le VIIe et le XVIIe siècle de notre ère, sur les étroites plaines côtières du centre du Viet Nam a fleuri une civilisation aujourd'hui disparue et peu connue, le Champa, dont les royaumes adoptèrent les religions de l'Inde et produisirent nombre de textes gravés sur pierre, de temples et de sculptures d'une grande originalité et d'une puissance certaine. Les premiers orientalistes français commencèrent à s'y intéresser à la fin du XIXe et au début du XXe siècle en dressant des débuts d'inventaires. Mais ils s'en détournèrent rapidement au profit du Cambodge et d'Angkor, et à quelques exceptions près les études Cham furent délaissées. Les guerres successives que connut le Viet Nam, outre les destructions qu'elles entraînèrent, interdirent pour longtemps les recherches archéologiques dans le centre du pays. Aussi jusqu'à ces dernières années, seules les sculptures étaient l'objet de l'attention de rares spécialistes. Les développements récents de l'archéologie montrent que l'occupation humaine de cette partie du Viet Nam remonte au Paléolithique, et que sa protohistoire, maintenant mieux connue, s'insérait dans un vaste réseau asiatique, de l'Inde à Bornéo. Cet ouvrage englobe, pour la première fois, une analyse de l'art cham détachée des préoccupations exclusivement classificatoires, et met en valeur son originalité en reliant les représentations figurées à leur enracinement local. Par-delà les destructions et les récentes restaurations, il présente chacun des vingt-cinq grands sites inventoriés en remplaçant chaque temple dans l'ensemble des monuments où il a été dressé, et en analyse les décors architecturaux. Ce livre, qui tient compte des dernières découvertes en rapport avec cette civilisation, inclut le tissage traditionnel ainsi que l'orfèvrerie ancienne. Il se présente comme un véritable manuel de référence sur la civilisation cham.
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