Extrait :
La notion d'exécution dans l'histoire constitutionnelle française
Ce colloque, organisé le 16 janvier 2009 dans le cadre du Centre de philosophie juridique et politique de l'Université de Cergy-Pontoise, se propose de questionner une «évidence» : la notion d'exécution dans l'histoire constitutionnelle française. Si «évidente» qu'on la confond souvent avec le concept de «pouvoir exécutif». Si «évidente» encore, qu'elle semble se dérober aux définitions... Deux brèves séries de remarques nous serviront à introduire les travaux : la première concerne la méthode proposée pour cette recherche, la seconde touche au programme du colloque, et partant, à son objet.
S'agissant d'une recherche sur l'histoire d'une notion, il a été naturel d'identifier ses différentes strates sémantiques par l'analyse d'un ensemble de doctrines politiques et juridiques car c'est à ce niveau théorique - ou de la «pensée juridique» si l'on préfère - que les significations d'un concept peuvent être saisies, du moins en ce que nous retrouvons de plus systématiques. Toutefois, il faudra avoir présent à l'esprit, comme nous prévenait Reinhart Koselleck, que cette dimension historique d'une notion «n'est pas identique au déploiement chronologique» de ces significations, puisqu'il y a toujours de l'historique dans le systématique, du non contemporain dans le contemporain. Les concepts, comme le rappelait toujours ce même auteur, «contiennent des possibilités structurelles, thématisent des structures contemporaines au milieu des autres qui ne sont pas contemporaines, qu'il n'est pas possible de ramener au seul déroulement des événements de l'histoire».
Plus encore, identifier, explorer les différents niveaux d'une notion revient à montrer ses discontinuités, ses failles, ses ambiguïtés, à ne pas tenir, en somme, selon un mot célèbre et toujours actuel, «le continu pour la donnée première et ultime qui doit rendre compte du reste». La «plurivocité» de sens est bien un signe constitutif des concepts politiques et juridiques ; dans le cas de la notion d'exécution c'est bien cette ouverture qui lui permettra d'être mobilisée dans des discours portant aussi bien sur l'administration que sur la juridiction, et partant, par le droit public ou le droit privé.
Le concept d'exécution est-il introuvable, voire inexistant comme on est parfois tenté de l'affirmer ? En réalité, ce qui est introuvable est sa définition, une définition. La permanence de ce caractère équivoque de la notion n'est que la conséquence du fait que ces concepts sont «toujours chargés de plus d'un sens à la fois». Dans son ambivalence, la notion d'exécution illustre bien cette thèse de la Begriffsgeschichte selon laquelle les concepts sont «des concentrés d'une multitude des significations». Si, à partir d'un certain moment, la notion d'exécution a été aspirée par le rapport sémantique qu'elle entretient avec le pouvoir exécutif, elle passe ensuite, sous l'égide d'une doctrine tardive de la séparation des pouvoirs notamment, à la théorie du droit, sans que l'on soit toujours conscient des glissements de sens que ces passages engendrent. Dans tous les cas, la notion reste incontournable pour certaines disciplines du droit privé ou, parmi celles du droit public, comme le droit administratif, mais reste «vide» en droit constitutionnel.
Le programme du colloque se propose donc d'étudier les transformations de la notion d'exécution, son mouvement en quelque sorte. Un concept dont les significations se retrouvent dans cette histoire doctrinale qu'est l'histoire d'une pensée juridique au sens fort. Sans prétendre à l'exhaustivité, les contributions ici réunies dégagent certains jalons importants dans ces transformations.
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Biographie de l'auteur :
François Saint-Bonnet est professeur d'histoire du droit à l'Université Paris II. Guillaume Bacot est professeur de droit public à l'Université de Cergy-Pontoise. Blaise Bachofen est maître de conférences en philosophie à l'Université de Cergy-Pontoise.
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