Le château Vaissier: Palais orientaliste d'un savonnier de Roubaix (1892-1929)

Maury, Gilles

ISBN 10 : 2708409476 ISBN 13 : 9782708409477

Editeur : Editions A&J Picard, 2013

A propos du livre

Extrait :

Extrait de l'introduction

UNE HISTOIRE IMPOSSIBLE ?

Le territoire de la métropole lilloise compte peu d'édifices dont l'intérêt historique ou architectural serait d'ordre national, voire international. Jusqu'à une période encore récente, ce déficit culturel semblait une évidence, secondé dans l'inconscient collectif par l'image longtemps négative renvoyée par cette région industrielle. La publication en 1993 de Lille-Métropole, un siècle d'architecture et d'urbanisme, 1890-1993, faisait coïncider la renaissance économique locale avec une nouvelle évaluation du patrimoine bâti, mettant entre autres en valeur les quelques joyaux bien cachés de ce territoire, caractérisé par l'omniprésence de la maison de ville et de la villa suburbaine.
Cet ouvrage centré sur le XXe siècle, accentuait pour la partie domestique l'importance d'oeuvres comme la maison Coilliot (1898) d'Hector Guimard, la villa Cavrois (1932) de Robert Mallet-Stevens ou la maison Delcourt (1969) de Richard Neutra. Ces résidences d'exception méritaient une reconnaissance élargie qui participait d'une réévaluation globale à l'échelle nationale de l'architecture du XXe siècle. Dans ce sens, Lille-Métropole prolongeait les publications pionnières que constituaient Le Siècle de l'éclectisme et Les Châteaux de l'industrie, éditées en 1979, et qui exploraient les années 1830 à 1930. Malgré les recherches sur Hector Guimard ou Robert Mallet-Stevens, qui ont permis une appréciation plus fine de leur présence dans la région lilloise, ainsi que les travaux sur le patrimoine balnéaire local du début du XXe siècle, l'architecture du XIXe siècle fait encore aujourd'hui figure de parent pauvre.
Le corpus ouvert dans Le Siècle de l'éclectisme laissait pourtant un champ très vaste d'interrogations et parmi les centaines d'édifices documentés dans le livre apparaissait la silhouette exotique et totalement décalée du château Vaissier, également dénommé «palais du Congo» (fig. 1), spectaculaire manifestation d'un orientalisme architectural par ailleurs très mesuré localement.
Sorte de grande villa à plan centré surmontée d'un dôme de métal et de verre, le château Vaissier, isolé dans son parc, ne semblait entretenir que peu de rapports avec son environnement sur le plan typologique ou stylistique. Édifiée aux confins de Tourcoing et Roubaix vers 1892, et rapidement démolie, la demeure rappelait plus ou moins le Taj Mahal, qui plus est en version polychrome comme en témoignent encore les deux pavillons préservés du concierge et du jardinier. En conséquence, ce «palais du Congo» ne pouvait qu'être interprété comme une fantaisie, «le plus bel exemple dans la région des originalités fastueuses, des folies ostentatoires qui se développèrent au tournant du siècle».
Les quelques documents visuels et textuels réunis dans Le Siècle de l'éclectisme soulevaient plus de questions qu'ils n'apportaient de réponses et excitaient aisément la curiosité du lecteur. Si l'ouvrage rapportait nombre d'anecdotes savoureuses sur le commanditaire, il ne montrait qu'une mauvaise image, très peu explicite, de l'intérieur. Rien non plus ne permettait de juger de l'insertion urbaine du château ou d'apprécier son échelle. Qui pouvait être ce Victor Vaissier, industriel versé dans le cosmétique, propriétaire de la «Savonnerie du Congo» et aux idées commerciales quelques peu farfelues ? Qui était son architecte, un certain Charles ou Édouard Dupire-Rozan, quel était son parcours, comment expliquer qu'il ait été capable de dessiner un tel bâtiment ? Comment interpréter l'écartèlement géographique entre le nom du château et ses références architecturales ? Que pouvaient signifier ces choix pour un industriel roubaisien ? Un client singulier, un architecte méconnu, un bâtiment démoli à l'architecture décalée... Il y avait là un substrat quelque peu romanesque, mais qui masquait en réalité une difficulté de taille : l'absence de sources primaires.

Présentation de l'éditeur :

Comment retracer l'histoire d'un édifice quand il n'existe pas d'archives de l'architecte ou du commanditaire, et que le bâtiment lui-même a disparu ? A cette tâche apparemment impossible répond une longue enquête documentaire, prenant ici des dimensions archéologiques. Le château du parfumeur et savonnier Victor Vaissier, édifié en 1892 au coeur de la métropole lilloise en pleine expansion économique, en est devenu un des symboles. Surnommée "palais du Congo", cette extraordinaire demeure évoquait le Taj Mahal et multipliait les références indiennes avec un luxe inégalé dans la région. L'architecte roubaisien Édouard Dupire-Rozan, figure majeure de l'architecture dans le Nord injustement oubliée, sut concrétiser les désirs d'un client aux idées commerciales avant-gardistes. L'absence de sources a longtemps contribué à l'aura de mystère entourant le destin de la demeure, démolie en 1929, et de son commanditaire. En interrogeant la diffusion de l'architecture indienne en France, en évoquant la question de l'image de marque et de l'imaginaire commercial, une approche archéologique de l'édifice révèle les conditions de la création et les sources d'inspiration de ce palais orientaliste. Apparente fantaisie, le château Vaissier n'en fut pas moins une construction maîtrisée pour laquelle l'architecte fut le coordonnateur d'entreprises expertes et d'artistes de renom. Jusque-là considéré comme une curiosité locale, le château Vaissier retrouve sa juste place dans l'histoire de l'architecture, tant française qu'internationale.

À propos de cette édition

• Éditeur: Editions A&J Picard
• Date d'édition: 2013
• ISBN 10: 2708409476
• ISBN 13: 9782708409477
• Reliure: Livre broché
• Nombre de pages: 263