Extrait :
LONDRES, SEPTEMBRE 1928
Jeune femme responsable, vingt-huit ans, aimant les enfants et ayant vécu aux Indes, propose de servir de chaperon, de Tilbury à Bombay, en échange de la moitié du prix du billet.
Viva Holloway avait payé trois shillings et six pence pour faire paraître son annonce dans le numéro de septembre de Madame. Lorsqu'elle se retrouva, à peine cinq jours plus tard, dans un restaurant de Londres, attendant Mrs Jonti Sowerby, sa toute première cliente, elle pensa qu'une influence bénéfique avait dû jouer en sa faveur.
En vue de cet entretien, elle avait abandonné sa tenue habituelle - soieries fluides empruntées ou achetées d'occasion dans des ventes de charité -, pour ressortir le tailleur de tweed gris qu'elle détestait, mais qui lui avait rendu service quand elle avait travaillé temporairement comme dactylo. Sa chevelure, sombre, épaisse et plutôt rebelle avait été humidifiée puis domptée en un strict chignon.
Elle pénétra dans le brouhaha élégant du salon de thé, où un pianiste jouait quelques notes décousues. Une petite femme maigre comme un oiseau, coiffée d'un chapeau extraordinaire (sorte de cage de laquelle jaillissait, à l'arrière, une plume bleue qui retombait vers l'avant), se leva pour l'accueillir. À son côté se tenait une jeune fille grassouillette et silencieuse qu'elle présenta, à la grande surprise de Viva, comme étant sa fille, Victoria.
Toutes deux étaient entourées d'un monceau de bagages. Une tasse de café fut proposée, malheureusement sans accompagnement solide. Viva, qui n'avait rien mangé depuis le petit déjeuner, lorgnait sous une console de verre quelques scones et un appétissant gâteau aux noix.
«Elle semble extrêmement jeune ! s'exclama immédiatement Mrs Sowerby en parlant à Victoria, comme si la nouvelle venue n'était pas là.
- Maman !» protesta sa fille d'une voix étranglée. Viva remarqua aussitôt les yeux magnifiques qui se tournaient vers elle : immenses et d'un bleu sombre inhabituel, virant au violet. Excusez-la, je n'y peux rien, clamaient-ils en silence.
«Je suis désolée, ma chérie, mais c'est le cas, insista Mrs Sowerby, faisant la moue sous son extravagante coiffe. Oh, mon Dieu, quel tracas !»
D'un ton compassé, elle s'adressa enfin à Viva. Victoria se rendait aux Indes, expliqua-t-elle, pour assister, en tant que demoiselle d'honneur, au mariage de Rose, sa meilleure amie, qui devait épouser à la cathédrale St Thomas de Bombay - ici, un frémissement vaniteux fit vibrer sa voix - le capitaine Jack Chandler, du troisième régiment de cavalerie.
Un chaperon avait été engagé, une certaine Mrs Moylett, qui s'était désistée à la dernière minute, arguant soudain d'un engagement vis-à-vis d'un homme âgé.
Ayant posé sa tasse, Viva adopta l'expression d'une personne éminemment responsable ; elle devinait dans l'attitude de son interlocutrice un sentiment d'urgence, une impatience de voir l'affaire résolue.
Présentation de l'éditeur :
Automne 1928. Trois jeunes Anglaises embarquent sur un bateau à destination de l’Inde. Pour Viva, ce voyage est avant tout le moyen de revenir sur les traces de ses parents morts à Bombay alors qu’elle était enfant.
Rose, ravissante jeune fille d’une dangereuse candeur, est sur le point d’être mariée à un officier de cavalerie colonial qu’elle connaît à peine. Victoria, sa demoiselle d’honneur, pleine d’imagination, se montre déterminée à perdre sa virginité au cours du voyage, avant de se trouver un époux aux Indes. Toutes les trois ont des raisons différentes de quitter l’Angleterre, mais les bagages d’espoirs et de secrets qu’elles emportent ne les ont pas préparées à ce qui les attend…
Traduit de l’anglais par Catherine Ludet
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