Chacun sait bien, même si on ne l'avoue guère, que la réussite de l'acte pédagogique ne tient pas seulement aux qualités strictement scientifiques et didactiques de l'enseignant. Il n'est qu'à écouter les élèves eux-mêmes ou leurs parents, il n'est simplement qu'à nous interroger sur notre propre parcours scolaire pour nous en convaincre. Et c'est d'abord cela que Philippe Meirieu prend le risque d'expliquer dans cet ouvrage. Il montre l'importance décisive des choix éthiques de l'éducateur, quand il se donne pour fin l'émergence de sujets libres, quand il œuvre simultanément pour leur instruction et leur émancipation, quand il parvient à articuler le principe d'éducabilité et celui de liberté... Tout faire pour que l'autre apprenne et lui communiquer la conviction du possible, sans attendre pour autant la soumission et encore moins la réciprocité marchande. L'éducation est ainsi une aventure imprévisible, une histoire toujours différente à écrire, et dans laquelle l'éthique n'est pas une " nouvelle matière scolaire " ni même un " supplément d'âme ", mais bien ce qui œuvre, à travers l'ensemble des activités que l'éducateur organise. A partir de cette approche, l'auteur rencontre un certain nombre de thèmes majeurs de la réflexion éducative: l'universalité de la culture, la formation à la citoyenneté, la discipline et les sanctions, la place de la didactique et des apprentissages méthodologiques, la formation des maîtres, le travail en équipe, etc. Mais il les traite de manière originale, en une trentaine de brefs chapitres où il s'efforce de faire apparaître les enjeux essentiels. Ainsi le livre peut-il se prêter à une multiplicité de lectures: certains le liront " comme un roman " - et sans doute, à bien des égards, en est-il un -, d'autres y trouveront un outil de réflexion individuelle ou collective, l'occasion de questionner leur activité, le moyen de faire le point sur bien des débats d'aujourd'hui.
La conviction de Philippe Meirieu est que la réussite de l'acte pédagogique ne réside pas seulement dans les compétences théoriques de l'enseignant. Il ne suffit pas d'avoir appris pour apprendre à apprendre. Il ne suffit pas de savoir et de maîtriser une discipline pour l'enseigner, même si cela en demeure la condition essentielle. Encore faut-il, par un choix que l'auteur nomme éthique, viser la liberté et l'émancipation de l'élève et vouloir son autonomie. L'ouvrage suit, au gré d'une trentaine de courts chapitres construits comme des aphorismes, le fil de cette intuition à travers de libres variations sur les thèmes de l'universalité de la culture, de l'éducation du citoyen, de la discipline scolaire, de la place de la pédagogie à l'école, de la formation des enseignants, de la pluridisciplinarité...
Par sa forme inattendue et elliptique, Le Choix d'éduquer peut dérouter. Il permet pourtant au lecteur de faire le point sur les débats récurrents dans le discours pédagogique sur l'école. --Paul Klein