Extrait :
La saveur des savoirs
OÙ L'ON RÉHABILITE LES SAVOIRS, TROP FACILEMENT DÉCLARÉS académiques et inutiles, dévalorisés au profit des perspectives plus dynamiques qu'offrent, par exemple, les compétences et l'interdisciplinarité. Où l'on défend également l'organisation du savoir en disciplines, parce que celles-ci sont des sortes de géants qui nous ouvrent à autant de «nouveaux mondes» et développent chacune une forme singulière de «discipline de l'esprit». Développer ainsi l'idée d'une «saveur des savoirs» a d'importantes conséquences didactiques aussi bien en direction des élèves que des professeurs.
L'ensemble des analyses que nous proposons dans ces quatre premiers chapitres est fondé sur le fait que les deux mots savoir et saveur sont des doublets, issus de la même racine latine sapere. Cette proximité entre les mots est emblématique de notre projet de développement d'une saveur des savoirs à l'école, saveur que les élèves en général ne perçoivent guère et dont les professeurs non plus n'ont pas toujours conscience. Car, il faut le reconnaître, les savoirs n'ont pas si bonne presse auprès de l'ensemble du corps social. Celui-ci partage largement une représentation collective du savoir n'évoquant guère la saveur, avec des connotations plus immédiates du côté de l'encyclopédisme, de l'indigestion, de l'obsolescence et de l'abstraction inopérante.
Face à des savoirs ainsi dépréciés, les termes aujourd'hui les plus valorisés semblent être ceux de compétences, d'interdisciplinarité, de méthodologie, ou encore l'expression «apprendre à apprendre». Sans doute de telles thématiques ont-elles leur part de légitimité et nous y reviendrons chemin faisant. Mais pourtant, où est-il écrit que les savoirs sont nécessairement mortifères ? D'où vient que le mot théorique soit considéré comme un synonyme d'ésotérique, qu'il évoque d'emblée une boursouflure gratuite et inutile ? En réponse à cette représentation sociale souvent négative des savoirs ingrats, nous commencerons par tenter de remettre les choses sur leurs pieds.
Biographie de l'auteur :
Jean-Pierre Astolfi a été professeur de sciences de l'éducation à l'université de Rouen. Dans le cadre de l'Institut national de recherche pédagogique (INRP), il a conduit des recherches en didactique des sciences, et est l'auteur de nombreuses publications. Ses travaux se centrent sur les conditions à réunir pour que les apprentissages scolaires aboutissent à une maîtrise effective des savoirs par les élèves.
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