Extrait :
Avez-vous remarqué comme les livres foisonnent de catastrophes, de faillites, crimes, guerres, exodes, scandales financiers, idylles, mariages, couronnements, et autres événements a priori si loin de la vie des lecteurs qui en raffolent ? C'est à se demander ce qu'ils y trouvent. D'où vient leur besoin de se projeter dans de pures fictions ? Du pressentiment que ces abstractions, aussi irréelles soient-elles, détiennent une vérité ; de l'espoir qu'une abstraction leur donne accès à cette vérité.
J'ai toujours pensé que Max aurait préféré être une abstraction si cela lui avait permis de découvrir la part d'une vérité cachée en lui. Malheureusement ce processus est à sens unique. Un être de fiction peut traverser le miroir, il peut se glisser dans la réalité ; les êtres réels, moins chanceux, sont condamnés à supporter seuls des fardeaux souvent trop lourds pour eux.
Tout a commencé à Constanza.
Max était quelqu'un de sérieux et d'introspectif, curieux des autres, taiseux sur lui-même, maniant à la perfection l'ironie et l'humour anglais. Un homme à la fois accessible et impénétrable.
«Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais les familles malheureuses le sont chacune à leur façon», a écrit Tolstoï. Est-ce si sûr ? Les habitants des quartiers pauvres de Constanza pourraient répondre qu'ils subissent les mêmes malheurs, de la même façon, et en permanence. Quand on lui demandait pourquoi ses romans finissaient toujours mal, Tolstoï répondait que le bonheur ne fait pas un roman. Peut-être, mais on ne saurait vivre sans l'espoir d'être heureux, et on ne lirait pas de romans sans un minimum d'optimisme. Le bonheur a le pouvoir de diluer la réalité, il donne à tout ce qui nous entoure des allures d'illusion fragile.
Le dilemme de Max était le suivant : il allait bien mais ne s'y résignait pas, il trouvait injuste, sachant ce qu'il savait, d'être si heureux. Il avait fait un pied de nez à son destin, osé se rebeller et était heureux quand même. Le noeud du problème ? Il était vieux comme le monde : plus que jamais amoureux de sa femme, il en avait rencontré... une autre. Il avait osé se dire : «Arrêtons la tragédie, rien n'est écrit d'avance.»
Comme tant d'hommes, Max avait d'abord tenté d'oublier ce qui s'était passé. Il s'était répété un million de fois qu'il aimait sa femme, mais au fil des jours il lui devenait de plus en plus difficile de vivre à ses côtés. Ses principes moraux, jusque-là inébranlables, étaient remis en cause par ses sentiments amoureux. Il n'arrivait plus à distinguer le bien du mal. «Je prouverai qu'il n'y a là ni mal ni bien, se promettait-il. Que la somme du mal et du bien est l'innocence.»
Présentation de l'éditeur :
Les apparences sont trompeuses, et ce qui survient dans ce roman ne se serait jamais produit si Max et Claudia ne s'étaient pas retrouvés à l'autre bout du monde, dans un cadre paradisiaque aux antipodes de leur quotidien madrilène.
Max est ingénieur et Claudia gynécologue. Ils se sont donné rendez-vous à Constanza -où Max termine un chantier et où Claudia vient assister au mariage de sa meilleure amie. Pas un instant, ils ne se doutent de ce qui va leur arriver. Pas un instant, ils n'imaginent les complications dans lesquelles ils se plongent. Car si le coup de foudre qui les jette dans les bras l'un de l'autre est une bénédiction et l'adultère une brutalité, il n'en va pas de même pour l'inceste. Frère et soeur, Max et Claudia savent que la société ne peut pas leur accorder le droit au bonheur. L'inceste est le dernier tabou, marqué du sceau de l'infamie. C'est contre cette fatalité qu'ils s'élèvent. Bravant l'interdit avec courage et détermination, ils décident de vivre au grand jour leur exceptionnelle histoire d'amour.
Un roman à la fois dérangeant et puissant qui ne manque pas de placer le lecteur devant ses questionnements moraux et ses propres démons.
Andrés Trapiello est l'auteur d'une importante oeuvre poétique, d'un journal en quinze volumes, et de six romans dont D'un vaisseau fantôme (La Table Ronde, 1994), Les Cahiers de Justo Garciá (Buchet-Chastel, 2004, 10/18, 2006), À la mort de Don Quichotte (Buchet-Chastel, 2005, 10/18, 2007), Prix de la Fondation José Manuel Lara Hernandez P, et Les Amis du Crime parfait, Prix Nadal, (Quai Voltaire, 2009, repris en Points sous le titre Le Club du crime parfait ! Il a aussi signé une biographie de Cervantès, publiée chez Buchet-Chastel en 2005 et un essai, Les Armes et les lettres, paru à La Table Ronde en 2009.
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