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Extrait :
1956
Quelqu'un sonne à sa porte dans la chaleur de cette journée de décembre. Elle est couchée sur son grand lit, en déshabillé de soie. Qui peut bien venir la déranger un dimanche, à l'heure de la sieste ?
Ses rideaux grèges masquent l'éblouissante lumière du sud et l'étendue aride et nue du veld du Transvaal. L'été a été particulièrement précoce et sec. Une poussière rouge recouvre tout ; son odeur imprègne l'air.
Elle se détourne, ignorant la sonnerie, mais apparemment Gladys l'a entendue aussi. Par sa porte ouverte sur le palier en haut de l'escalier, elle perçoit les pas de la domestique, le grincement de la porte d'entrée, des voix qui parlent bas dans le vestibule. Gladys, qui est originaire du Cap, occupe une petite chambre à l'arrière, où elle se reposait sans doute. Malgré son âge avancé, elle est allée ouvrir avec une célérité surprenante, presque comme si elle guettait la sonnette, et la voilà qui remonte l'escalier pour annoncer le visiteur. Bill - son frère et ses soeurs l'ont toujours appelée comme ça, car petite c'était un garçon manqué - roule sur le dos et entrouvre les yeux. Appuyée au chambranle de la porte, Gladys reprend son souffle, les mains sur la poitrine.
«Qui est-ce ? dis-leur de s'en aller, gémit Bill.
- vous feriez mieux de le recevoir, madame», répond Gladys, réprobatrice, en secouant sa tête enturbannée.
Elle se tient bien droite dans son uniforme gris impeccable, la taille ceinte d'un tablier blanc et propre. Bill ne connaît pas l'âge exact de Gladys, la domestique le tait, comme presque tout ce qui la concerne. Métisse, elle a toujours été secrète et silencieuse ; elle garde ses opinions pour elle, ne donne des informations ou des conseils que quand on les lui demande, et encore, avec parcimonie. Comme les tantes de Bill, pour lesquelles elle a travaillé avec tant de dévouement pendant de si longues années, Gladys ne s'est jamais mariée et n'a jamais eu d'enfants. Elle a vécu toute sa vie par procuration, à travers ces blancs.
«C'est M. Parks», annonce-t-elle. Elle prononce porks, puisqu'elle est de langue maternelle afrikaans, même si elle parle anglais couramment et se débrouille dans quelques dialectes locaux. Elle dit qu'elle va préparer du café et apporter ses meilleurs sablés. «Il attend dans le salon», ajoute-t-elle, ne laissant guère d'autre choix à Bill que de se lever.
Lorsque Bill entre dans la pièce, elle trouve le comptable avachi dans l'ombre, sur le fauteuil rose, dodelinant un peu de la tête, dans l'état de somnolence qui suit un repas. Son crâne chauve luit et ses épaisses lèvres roses ressortent de manière assez obscène sous sa moustache soignée, dont aucun poil ne dépasse. Au moment où il se lève pour la saluer, elle se souvient qu'il a effectivement téléphoné plus tôt dans la semaine en se proposant de passer la voir. Elle s'excuse de l'avoir fait attendre.
(...)
Présentation de l'éditeur :
Quelqu'un sonne à sa porte dans la chaleur de cette journée de décembre. Elle est couchée sur son grand lit, en déshabillé de soie. Qui peut bien venir la déranger un dimanche, à l'heure de la sieste ?
Ses rideaux grèges masquent l'éblouissante lumière du sud et l'étendue aride et nue du veld du Transvaal. L'été a été particulièrement précoce et sec. Une poussière rouge recouvre tout ; son odeur imprègne l'air.
Elle se détourne, ignorant la sonnerie, mais apparemment Gladys l'a entendue aussi. Par sa porte ouverte sur le palier en haut de l'escalier, elle perçoit les pas de la domestique, le grincement de la porte d'entrée, des voix qui parlent bas dans le vestibule. Gladys, qui est originaire du Cap, occupe une petite chambre à l'arrière, où elle se reposait sans doute. Malgré son âge avancé, elle est allée ouvrir avec une célérité surprenante, presque comme si elle guettait la sonnette, et la voilà qui remonte l'escalier pour annoncer le visiteur. Bill - son frère et ses soeurs l'ont toujours appelée comme ça, car petite c'était un garçon manqué - roule sur le dos et entrouvre les yeux. Appuyée au chambranle de la porte, Gladys reprend son souffle, les mains sur la poitrine.
«Qui est-ce ? dis-leur de s'en aller, gémit Bill.
- vous feriez mieux de le recevoir, madame», répond Gladys, réprobatrice, en secouant sa tête enturbannée.
Elle se tient bien droite dans son uniforme gris impeccable, la taille ceinte d'un tablier blanc et propre. Bill ne connaît pas l'âge exact de Gladys, la domestique le tait, comme presque tout ce qui la concerne. Métisse, elle a toujours été secrète et silencieuse ; elle garde ses opinions pour elle, ne donne des informations ou des conseils que quand on les lui demande, et encore, avec parcimonie. Comme les tantes de Bill, pour lesquelles elle a travaillé avec tant de dévouement pendant de si longues années, Gladys ne s'est jamais mariée et n'a jamais eu d'enfants. Elle a vécu toute sa vie par procuration, à travers ces blancs.
«C'est M. Parks», annonce-t-elle. Elle prononce porks, puisqu'elle est de langue maternelle afrikaans, même si elle parle anglais couramment et se débrouille dans quelques dialectes locaux. Elle dit qu'elle va préparer du café et apporter ses meilleurs sablés. «Il attend dans le salon», ajoute-t-elle, ne laissant guère d'autre choix à Bill que de se lever.
Lorsque Bill entre dans la pièce, elle trouve le comptable avachi dans l'ombre, sur le fauteuil rose, dodelinant un peu de la tête, dans l'état de somnolence qui suit un repas. Son crâne chauve luit et ses épaisses lèvres roses ressortent de manière assez obscène sous sa moustache soignée, dont aucun poil ne dépasse. Au moment où il se lève pour la saluer, elle se souvient qu'il a effectivement téléphoné plus tôt dans la semaine en se proposant de passer la voir. Elle s'excuse de l'avoir fait attendre.
(...)
Rien ne ressemble plus à une riche Blanche oisive qu'une autre riche Blanche oisive. Sous le vernis de la très
haute société sud-africaine de la fin des années 1950, pourtant, certaines transportent d'inavouables secrets.
Parmi elles, Bill, femme mûre et mûrie par la vie, ancien garçon manqué d'une famille d'artisans hissé à la tête
d'une des plus grosses fortunes du pays après son mariage avec un homme tyrannique. À la mort de celui-ci,
le notaire de la famille presse Bill de choisir ses héritiers. À qui doit-elle léguer son patrimoine ? À ses deux
fils si sérieux ? À ses frères et soeurs avides et jaloux de son bien ? Au vieux cuisinier zoulou qui a vu grandir
ses enfants ? À la fidèle gouvernante qui connaît tout de son secret ? Au fil de ces interrogations Bill déroule
l'histoire de sa vie, depuis la fatale année de 1926 où son père lui interdit d'aimer celui qui restera à jamais
l'homme de sa vie, ce jeune Juif aux boucles rousses, jusqu'au sulfureux triangle amoureux qui la mena à un
mariage opulent. Avec, au milieu, un souvenir obsédant : l'enfer d'une jeune fille enfermée neuf mois durant
pour protéger toute une famille de l'infamie. De la barbarie du puritanisme chrétien aux dérives de l'aristocratie
blanche dans un pays à l'aube de l'Apartheid, L'enfant de l'Amour raconte comment une femme peut
être victime de son temps.
haute société sud-africaine de la fin des années 1950, pourtant, certaines transportent d'inavouables secrets.
Parmi elles, Bill, femme mûre et mûrie par la vie, ancien garçon manqué d'une famille d'artisans hissé à la tête
d'une des plus grosses fortunes du pays après son mariage avec un homme tyrannique. À la mort de celui-ci,
le notaire de la famille presse Bill de choisir ses héritiers. À qui doit-elle léguer son patrimoine ? À ses deux
fils si sérieux ? À ses frères et soeurs avides et jaloux de son bien ? Au vieux cuisinier zoulou qui a vu grandir
ses enfants ? À la fidèle gouvernante qui connaît tout de son secret ? Au fil de ces interrogations Bill déroule
l'histoire de sa vie, depuis la fatale année de 1926 où son père lui interdit d'aimer celui qui restera à jamais
l'homme de sa vie, ce jeune Juif aux boucles rousses, jusqu'au sulfureux triangle amoureux qui la mena à un
mariage opulent. Avec, au milieu, un souvenir obsédant : l'enfer d'une jeune fille enfermée neuf mois durant
pour protéger toute une famille de l'infamie. De la barbarie du puritanisme chrétien aux dérives de l'aristocratie
blanche dans un pays à l'aube de l'Apartheid, L'enfant de l'Amour raconte comment une femme peut
être victime de son temps.
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- ÉditeurQuai Voltaire
- Date d'édition2013
- ISBN 10 2710369753
- ISBN 13 9782710369752
- ReliureBroché
- Nombre de pages272
- Evaluation vendeur
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L'enfant de l'amour Kohler,Sheila et Arnaud,Cécile
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(2013)
ISBN 10 : 2710369753
ISBN 13 : 9782710369752
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