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Bethsabée, au clair comme à l'obscur (0000) - Couverture souple

 
9782714311368: Bethsabée, au clair comme à l'obscur (0000)
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Extrait :
Bethsabée, naguère et à jamais...
Quand elle posait, nue, dans l'atelier, assise sur un monceau de tapis et draperies, Hendrickje n'en revenait pas d'exposer son ventre immense au regard du Maître et de tous les hôtes de la nuit, cachés dans les recoins, qu'elle ne pouvait distinguer, mais qui l'observaient et dont le désir rendait l'ombre sensible comme la corde d'une vielle. C'était toujours ainsi : le Maître lui-même lui ôtait ses vêtements dans la chambre où ils avaient dormi et ensuite il l'entraînait, comme il eût tenu la main d'Ève au premier jour, dans le labyrinthe de la grande maison, jusqu'à l'étage, au bout du monde, là où s'ouvrait le plus reculé de ses ateliers. En chemin, on s'arrêtait à chaque miroir. On eût dit que le Maître voulait faire moisson de reflets avant de s'installer à son chevalet. Il lui soupesait les seins. Il glissait sa main, par-derrière, entre les cuisses. Quelquefois il appuyait son visage ou, quand ils croisaient une haute psyché, son corps tout entier, contre la surface vitreuse et froide. Le Maître ne plaisantait pas. Il avait cessé de rire et d'aligner des bons mots depuis que la mort était entrée dans la maison et lui avait ravi Saskia. Il gardait ordinairement une humeur sombre. Il avait presque toujours le regard scrutateur et la face chagrine. Cette physionomie contrastait singulièrement avec son goût de plus en plus prononcé pour les formes opulentes et l'ardeur charnelle de sa servante-maîtresse. Il saisissait toutes les occasions possibles de la contempler et de faire durer la contemplation tandis qu'elle, toujours soumise, toujours sujette, ne cessait de prodiguer au maître-amant jusqu'aux ressources les plus insoupçonnées de sa féminité. Il n'y avait guère de paroles échangées entre eux, mais Hendrickje pouvait lire dans le visage de l'homme, dans la lumière de ses yeux surtout et le pli de sa bouche, cette plénitude de contentement qui vient non de la satisfaction mais de l'exaltation soutenue du désir. Aussi, monter à l'atelier, au petit atelier des oeuvres intimes, qui formait comme une absidiole par rapport au vaste espace de travail de l'atelier général, c'était un voyage, une aventure de chair, une expédition dans des lointains intérieurs dont les formes matérielles, physiques, et le corps de la femme, avant tout et par-dessous tout, présentaient les signes tangibles, pathétiques en leur précarité. L'ombre, en toute saison, était toujours assez dense pour que la mort s'y dissimulât. Les amants l'entendaient presque respirer lorsque le désir de s'étreindre les poignait par trop et faisait se relâcher la tension du travail. Alors ils se ressaisissaient, lui dans ses gestes de maître, elle dans sa pose de figure, et se concentraient : bien au-delà de la durée, ils aspiraient de tout leur être à l'éternité, tandis que dans leur dos, la mort se tenait en faction.
Dans le petit atelier, clos, silencieux, pénombreux comme un cabinet d'intimités, Hendrickje goûtait, sans jamais se lasser, le sentiment d'un temps hors de la vie, immobile et infini. Le Maître ignorait toute précipitation. Il avait les gestes lents même lorsque, cessant d'appuyer sa touche, il effleurait la toile et amenait les couleurs à la transparence, à de sourdes émanations de lumière dont la ténuité faisait vibrer et palpiter l'espace nocturne du tableau tout entier. C'était un travail d'extrême délicatesse et d'extrême patience qui ne pouvait se dérouler que dans la longueur d'une méditation contemplative. (...)
Présentation de l'éditeur :
L'histoire nous apprend que Hendrickje Stoffels (1626-1663), entrée au service de Rembrandt après la mort de Saskia et l'internement de Geertjhe, devint la maîtresse du peintre. Elle fut sa dernière compagne, son modèle de prédilection et la nourrice de son fils, Titus. Tous les biographes la présentent comme une femme entièrement dévouée à son maître dont elle fut le principal soutien dans les années noires qui suivirent sa faillite et la liquidation de ses biens.

Dans ce livre, le narrateur, qui est tout sauf un historien, s'applique à composer l'image mythique du couple d'amants impliqués ensemble dans la création de l'oeuvre comme dans celle de leur vie. Le lien qui les unit s'enracine, d'essentielle façon, dans la part la plus obscure de leur être, dans cette ombre dont Rembrandt déploie la matière en ses toiles, et qui sans cesse enfante la seule lumière nécessaire - expansive, chaleureuse, mystérieuse, pure révélation de l'intériorité.

C. L.-C.

Claude Louis-Combet est né à Lyon en 1932. Philosophe, il est traducteur d'Anaïs Nin (La Maison de l'inceste, Éditions des Femmes, 1975) et d'Otto Rank (L'Art et l'artiste, Payot, 1976), éditeur chez Jérôme Millon de textes spirituels (Abbé Boileau, Histoire des flagellants, 1986 ; Jean Maillard, Louise du Néant, 1987 ; Berbiguier de Terre-Neuve, Les Farfadets, 1990), et auteur de " mythobiographies " (Blesse, ronce noire, Corti, 1995, l'Âge de Rose, Corti, 1997) et de récits hantés par la dévoration et l'inceste (Infernaux Paluds, Flammarion, 1970 ; Miroir de Léda, Flammarion, 1971 ; Tsé-tsé, Flammarion, 1972 ; Voyage au centre de la ville, Flammarion, 1974 ; Mémoire de bouche, La Différence, 1977 ; Figures de nuit, Flammarion, 1988 ; Augias et autres infamies, Corti, 1993 ; Rapt et ravissement, Deyrolle, 1996). Ce goût pour la sensualité trouble le conduit à revisiter la mythologie païenne (Le Roman de Mélusine, Albin Michel, 1986 ; Le Boeuf Nabu, Lettres vives, 1992) ainsi que l'imaginaire chrétien (Marinus et Marina, Flammarion, 1979 ; Mère des croyants, Flammarion, 1983 ; Beatabeata, Flammarion, 1985 ; Le Chef de saint Denis, Dijon, Ulysse fin de siècle, 1987) et dans ses essais (L'Enfance du verbe, Flammarion, 1976 ; Du sens de l'absence, Lettres vives, 1985 ; Écrire de langue morte, Rennes, Ubacs, 1986 ; Le Péché d'écriture, Corti, 1990 ; Le Don de langue, Lettres vives, 1992 ; Miroirs du texte, Deyrolle, 1995), il cherche à retrouver cette «langue des grands fonds» qui règne «entre le nid des entrailles et l'écume de la Voie lactée». Il a publié en 1997 L'Âge de Rose (Corti), évocation de sainte Rose de Lima, en 1998, Le Petit oeuvre poétique (Corti), en 1998 Le Recours au mythe (Corti). Un fonds Louis-Combet est en cours de constitution à l'université de Besançon.

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  • ÉditeurCORTI
  • Date d'édition2015
  • ISBN 10 2714311369
  • ISBN 13 9782714311368
  • ReliureBroché
  • Nombre de pages192
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Description du livre Paperback. Etat : Brand New. 192 pages. French language. 8.43x5.35x0.79 inches. In Stock. N° de réf. du vendeur zk2714311369

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Description du livre Paperback. Etat : NEUF. L'histoire nous apprend que Hendrickje Stoffels (1626-1663), entrée au service de Rembrandt après la mort de Saskia et l'internement de Geertjhe, devint la maîtresse du peintre. Elle fut sa dernière compagne, son modèle de prédilection et la nourrice de son fils, Titus. Tous les biographes la présentent comme une femme entièrement dévouée à son maître dont elle fut le principal soutien dans les années noires qui suivirent sa faillite et la liquidation de ses biens.Dans ce livre, le narrateur, qui est tout sauf un historien, s'applique à composer l'image mythique du couple d'amants impliqués ensemble dans la création de l'oeuvre comme dans celle de leur vie. Le lien qui les unit s'enracine, d'essentielle façon, dans la part la plus obscure de leur être, dans cette ombre dont Rembrandt déploie la matière en ses toiles, et qui sans cesse enfante la seule lumière nécessaire - expansive, chaleureuse, mystérieuse, pure révélation de l'intériorité. - Nombre de page(s) : 192 - Poids : 246g - Genre : Littérature française Romans Nouvelles Correspondance DOMAINE FRANCAIS. N° de réf. du vendeur N9782714311368

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