Extrait :
Extrait de l'introduction Jean-Christophe Buisson :
J'ai le souvenir encore vif des cours de géographie de M. Brunet en classe de khâgne (lycée du Parc, Lyon, 1986). Belgrade, capitale du pays le plus compliqué d'Europe, nous assurait-il : deux alphabets (cyrillique et latin), trois religions (orthodoxe, catholique, musulmane), quatre langues (serbe, croate, slovène, macédonien), cinq nationalités (serbe, croate, slovène, macédonienne, monténégrine), six républiques (Serbie, Monténégro, Croatie, Slovénie, Macédoine, Bosnie)... Tout cela sonnait aussi joliment qu'un poème de Prévert mais prenait un peu ses libertés avec la réalité : accorder alors en Yougoslavie une nationalité spécifique aux Monténégrins n'avait pas plus de sens qu'il y en aurait eu à en accorder une aux Auvergnats en France... Mais bah ! songeais-je : Belgrade devait être une ville bien singulière. Ce que je confirme aujourd'hui après y avoir effectué une vingtaine de séjours.
Il y a dit-on des villes trop pressées par l'Histoire pour soigner leur allure. Ainsi cette cité celte née Singidunum en 298 avant Jésus-Christ. Assise sur un promontoire rocheux surplombant le Save et le Danube manant là leurs eaux, offrant une vue imprenable sur les plaines qui annoncent la plate et paisible Hongrie, Belgrade (Beograd en serbe, de beo : blanc et grad : ville) bénéficie d'un emplacement géographique de rêve. Conséquence : son destin ressemble à un cauchemar. Tous les conquérants passant par là voulurent - forcément - s'y installer; bombardèrent joyeusement la Ville Blanche pour en déloger ses maîtres du moment ; ordonnèrent sa reconstruction ; la quittèrent sous les obus de nouveaux conquérants. Les habits de Belgrade sont donc tragiques. Et son allure, redisons-le, peu soignée.
Objet de dizaines de rafistolages de fortune et de cinquante ans de socialisme, victime d'une réputation sulfureuse dans les années 1990, capitale d'un pays qui aura changé à plusieurs reprises de nom et de frontières (la dernière fois, c'était au printemps 2006, avec la proclamation d'indépendance du Monténégro) Belgrade ne souffre certes pas la comparaison avec ses homologues d'Europe centrale et orientale - Vienne, Budapest, Prague, Sofia. Ses murs parlent peu, ses pavés ne résonnent guère. Le vieux quartier juif a perdu son identité, aucun bâtiment ne témoigne de l'occupation ottomane. D'où vient son charme, alors ? De son âme. Où se niche-t-elle ? Partout.
Présentation de l'éditeur :
Le goût de Belgrade
Belgrade, capitale de la Serbie, au confluent de la Save et du Danube, a toujours suscité les convoitises.
Objet de dizaines de rafistolages de fortune et de cinquante ans de socialisme, victime d'une réputation sulfureuse dans les années 1990, Belgrade n'a peut-être pas l'aura de Vienne ou de Prague, mais son charme tient à son âme singulière, nichée partout : dans les plafonds Art déco de l'Aeroklub, sur les quais de la gare où s'arrêtait jadis l'Orient Express, sur les états du marché de Zeleni Venac, dans te choeur de l'église Saint-Marc ou sur le dôme de la cathédrale Saint-Sava. Et aussi dans le marc des cafés turcs et la crème des gâteaux autrichiens de l'hôtel Moskva, dans le regard impavide des joueurs d'échecs du parc du Kalemegdan démarche des jeunes filles aux jambes interminables rue Knez-Mihajlova... Des lieux, des hommes et des vies couvrir sur les traces de Victor Hugo, Albert Londres, Tard de Villiers, Ivo Andric, Patrick Besson, Claudio Magris, Lawrence Durrell et bien d'autres.
Textes choisis et présentés par Jean-Christophe Buisson.
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