Revue de presse :
Lorsqu'elle fut accueillie dans la tribu de Gitans qu'est le cirque Bouglione, Lydie Dattas, qui venait alors de publier son premier livre, comprit qu'elle "était à l'intérieur d'une Illumination". Aussi est-ce "Rimbaud" qu'elle rebaptise le Cirque d'Hiver...
L'alternance des évocations, le contraste hallucinant des trois milieux (la cathédrale du père, le théâtre de la mère, le cirque de l'époux), le tempérament composite de l'auteur, constitué d'une forte sensualité, d'élans spirituels, d'une sensibilité poétique très visionnaire, tout cela donne une sorte de chant, d'une grande tenue, aux images stylistiques toujours inattendues, dans un environnement intemporel. (René de Ceccatty - Le Monde du 24 février 2011 )
Comment métamorphoser en poème flamboyant les épisodes de l'existence ?...
La Foudre est un récit autobiographique, puisqu'il y est question des parents et grands-parents de Lydie Dattas, et puis aussi de celui qui fut son époux, l'homme de cirque (et poète lui-même) Alexandre Romanès, qui appartient à la famille Bouglione...
Mais laissons de côté les circonstances de cette autobiographie. La singularité des épisodes narrés n'est rien à côté de la métamorphose, il faut presque dire la transfiguration stylistique et poétique, que leur fait subir Lydie Dattas. Les cadres et limites communément admis volent en éclats, comme frappés par cette «foudre» que commande l'auteur. Aux jeunes écrivains qui le consultaient, Jean Paulhan conseillait toujours, au lieu de corriger leur défaut, de les pousser plus loin, de les exagérer. Le conseil est plus raisonnable qu'il n'y paraît. Et Dattas le prouve. Emportée par son élan, elle s'y abandonne : elle a raison...
D'ailleurs, pour élever la vie à la puissance et au mystère du poème, ne faut-il pas renverser tous les obstacles de la bienséance et de la mesure ? (Patrick Kéchichian - La Croix du 2 mars 2011 )
Extrait :
Sur la façade aux cannelures roses du Cirque Rimbaud, une frise faisait galoper ses chevaux. Dans la nuit hivernale une foudre d'ampoules jaunes mouillait sa masse sombre. La directrice de cette université barbare était la vie, la matière enseignée, une joie ardente comme une théologie animale. Revenue en France pour faire de la philosophie, je lâchai tout devant cette yourte de pierre. Lasse de la mort moderne, je sus que je trouverais là une pensée de viande rouge. La grâce m'avait menée au seuil de ce royaume, les malédictions de mon grand-père me jetèrent à l'intérieur. Ce n'était pas un spectacle que je venais voir mais les derniers pharaons. Poussant la porte ruisselante de miroirs, j'entrai dans le Palais des illettrés.
Rivées au mur dans un cadre vieil or, les sombres têtes de penseurs cravatés des quatre frères Rimbaud toisaient la clientèle crédule. La dompteuse milliardaire éclatait de sang comme une publicité pour la vie. Derrière sa caisse en acajou, une vieille manouche au regard de loucheuse faisait craquer les billets entre ses mains crépitantes de diamants. Les badauds piétinaient dans la boue bleue du rêve. Plus prestigieuse qu'un absolu de parfumeur, l'acre odeur d'urine et de citronnelle me déniaisa. Des rugissements d'hommes illuminaient le coeur des filles. Dans les coulisses les gitans paradaient avec la désinvolture de dieux incultes. La sensualité auréolant leurs têtes brillantinées humiliait la mort. En me tendant mon billet, la bohémienne aux yeux de jungle prophétisa : «C'est vous qui épouserez mon fils !» Son sort jeté elle m'oublia, me laissant avancer dans la file des imbéciles éblouis qui progressaient vers la salle, leurs yeux fracassés par la proximité du paradis.
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