Extrait :
Jarle Smith
Ce vendredi 10 août 2007 la Norvège était la fille la plus heureuse de la planète quand un soleil couleur mangue commença à descendre sur sa terre fertile. Dix mille âmes au coeur léger s'agglutinaient devant la scène dressée sur la pelouse synthétique du miroir d'eau, à l'est de la ville, tournant le dos à Oslo Plaza. Dans l'agréable fraîcheur de cette soirée de fin d'été nordique, une foule bigarrée attendait pleine d'enthousiasme l'événement à venir : jeunes filles aux lèvres brillantes de gloss portant des lunettes de soleil miroitantes ; hommes aussi jeunes arborant des shorts amples et du duvet au-dessus de la lèvre supérieure ; hommes mûrs à la calvitie déjà bien avancée et aux tee-shirt datant de leur jeunesse, et femmes également mûres, tartinées de crème de jour à base d'huile d'abricot, de bourgeons de hêtre et de gelée royale. Une étincelle de nervosité brillait au fond des pupilles de certaines des personnes présentes ce vendredi, comme si ce qui allait se produire concernait leur intimité sensuelle ; d'autres ressentaient seulement une chaleur bienfaisante dans leurs muscles et articulations, en se rappelant leurs souvenirs d'enfance, les papillons et les barbes à papa.
À l'avant de la foule, accompagné de ses amis et connaissances, se trouvait l'un de ceux qui prenaient cela avec un infini sérieux. Il mesurait un mètre soixante-treize, venait juste d'avoir trente-cinq ans, avait les tempes grisonnantes, une frange blonde, des mâchoires puissantes et des sourcils touffus. Il imputait par ailleurs à son récent vieillissement la couche de graisse qui ceignait désormais sa taille. Cet homme relativement jeune avait un bloc-notes dans la main gauche et un stylo dans la droite. Une sacoche d'ordinateur était accrochée à son dos ; il arrivait de province pour un déplacement professionnel et un voyage de reconnaissance dans sa propre vie. Il nourrissait de grandes ambitions et s'appelait Jarle Klepp.
Non loin de lui se tenait un homme irascible, du même âge, vêtu d'une veste en jean élimée ornée de pin's rouilles et couverts de slogans politiques dépassés, qui évoquait l'uniforme d'une ancienne armée. Il avait une carrure imposante, de larges poings, des cheveux laissés sans soin, une barbe tout aussi inculte et les yeux injectés de sang. L'homme, qui dégageait une impression de grandeur décadente, se roula une cigarette avec des doigts tremblants, passa la langue sur le papier, puis l'alluma et un frisson parcourut son corps :
«Putain !»
Jarle dirigea son regard vers la scène et resta concentré, s'efforçant de ne pas se laisser émouvoir.
Présentation de l'éditeur :
Il se rendait compte que Lotte était devenue une jeune fille d'une beauté saisissante. Il avait beau être son père, il était obligé de le remarquer... Et on aurait pu la qualifier de sexy - même s'il détestait le penser. C'est ce qui peut arriver de pire à un père, avoir une fille sexy...
Le jeune homme qui lui caressait les cheveux était beau lui aussi. Des lèvres généreuses, à l'instar de tant de personnes originaires du même continent. La raie bien droite dans ses cheveux crépus qui brillaient dans la lumière mourante de la fin du jour...
Ce soir-là, dix mille jeunes surexcités attendent le début d'un concert de rock dans un parc public. Jarle Klepp, chargé de couvrir l'événement pour un grand journal norvégien, découvre soudain dans un bosquet une ravissante adolescente blonde en train de faire l'amour avec un jeune homme à la peau noire. Et il s'agit de 50 fille, manifestement tout à fait consentante et très heureuse.
Aussitôt les clichés les plus racistes refont surface dans l'esprit d'un homme a priori «bien sous tous rapports». Sous le vernis du politiquement correct, il ne faut parfois pas creuser beaucoup pour trouver d'affreux relents. La rage et la violence éclatent. Et Jarle Klepp va devoir remettre de l'ordre dans ses priorités s'il veut garder l'affection de sa jolie Charlotte Isabel, amoureuse du beau Pixley Mapogo. Mais y parviendra-t-il ?
Tore Renberg, né en 1972, est un des romanciers les plus populaires de Norvège aujourd'hui. Le Mercure de France a publié en 2011 Charlotte Isabel Hansen, son précédent ouvrage, best-seller en Scandinavie et traduit en cinq langues.
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