Extrait :
Extrait de l'introduction :
Non sans une timidité ô combien justifiée, un Argentin de souche, de Rome le rejeton éloigné, se risque à préfacer un livre de Gian Falco pour des lecteurs italiens - c 'est sous ce pseudonyme que j'ai fait sa connaissance. Je devais avoir onze ou douze ans quand j'ai lu, dans un quartier des faubourgs de Buenos Aires, Le Tragique quotidien et Le Pilote aveugle, dans une méchante traduction espagnole. A cet âge, on savoure la lecture, on en jouit et on ne juge pas. Stevenson et Salgari, Eduardo Gutiérrez et Les Mille et Une Nuits, sont des formes du bonheur et non pas matière à jugement. L'idée de comparer ne vous effleure même pas, le plaisir vous suffit. J'ai lu Papini et je l'ai oublié. Sans m'en douter, je me comportais de la manière la plus sagace - peut-être l'oubli est-il une forme profonde de la mémoire. Quoi qu'il en soit, je veux rapporter une expérience personnelle. À présent, en relisant ces pages si lointaines, je découvre en elles, avec reconnaissance et stupéfaction, des fables que j'avais cru inventer et que j'ai élaborées de nouveau à ma façon en d'autres circonstances de l'espace et du temps. Plus importante encore a été la découverte d'un climat en tout point identique à celui de mes fictions. Des années plus tard, j'aborderais, sans davantage de chance, L'Histoire du Christ, Gog et le livre sur Dante, volumes rédigés, comme on peut le soupçonner, en vue d'en faire des best-sellers. Semblable à Poe, à n'en pas douter l'un de ses maîtres, Giovanni Papini n 'entend pas que ses récits fantastiques apparaissent comme réels. D'emblée, le lecteur éprouve l'irréalité de l'atmosphère de chacun d'entre eux. J'ai mentionné Poe, on pourrait ajouter que c'est là la tradition des romantiques allemands et des Mille et Une Nuits. Ce propos d'irréalité correspond à ce que nous savons de sa destinée, constamment guettée par la menace du cauchemar qui, au cours de ses dernières années, le cerne inexorablement. Dépouillé de presque tous ses sens par un mal profond, il dicte ses derniers «éclats» à sa petite-fille Anna Paszkowski alors que seule lui reste la raison.
Présentation de l'éditeur :
J'ai lu Papini et je l'ai oublié. Sans m'en douter, je me comportais de la manière la plus sagace - peut-être l'oubli est-il une forme profonde de la mémoire. Quoi qu'il en soit, je veux rapporter une expérience personnelle. A présent, en relisant ces pages si lointaines, je découvre en elles, avec reconnaissance et stupéfaction, des fables que j'avais cru inventer et que j'ai élaborées de nouveau à ma façon en d'autres circonstances de l'espace et du temps. Plus importante encore, la découverte d'un climat en tout point identique à celui de mes fictions.
Jorge Luis Borges
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