Extrait :
Extrait de l'introduction
Le langage écrit est précisément l'algèbre du langage. Et de même que l'assimilation de l'algèbre n'est pas une répétition de l'étude de l'arithmétique mais représente un plan nouveau et supérieur du développement de la pensée mathématique abstraite, laquelle réorganise et élève à un niveau supérieur la pensée arithmétique qui s'est élaborée antérieurement, de même l'algèbre du langage - le langage écrit - permet à l'enfant d'accéder au plan abstrait le plus élevé du langage, réorganisant par là même aussi, le psychisme antérieur du langage oral.
(Vygotski, 1934/1985)
Apprendre à écrire, une belle aventure intellectuel
L'écrit est un objet moins simple à s'approprier qu'il n'y paraît, et bien que son aspect graphique retienne de prime abord l'attention, apprendre à écrire n'est pas la simple transformation de «traits» en lettres, ce n'est pas la suite «naturelle» des exercices graphiques, ce n'est pas la production d'un dessin, ni la simple transcription de l'oral en signes tracés sur un support, car la distance entre la langue parlée et la langue écrite est importante.
L'écrit est un outil, un instrument psychologique comme l'a montré Vygotski, complexe par son organisation et sa mise en oeuvre mais aussi par ses fonctions.
C'est un langage qui ne s'apprend pas de façon «naturelle» comme la langue orale, et s'il nécessite de nombreuses compétences, il repose principalement sur une activité symbolique, réflexive, donc volontaire et consciente. Les automatismes sont seconds dans ce processus. En effet, par l'écriture, le petit enfant entre dans un monde expressif singulier dont il doit maîtriser les règles et se soumettre à des conventions bien précises, issues tout autant de l'histoire de l'écriture spécifique à son groupe social, que de l'histoire de son enseignement et des choix pédagogiques élaborés au cours du temps et sans cesse remis en cause. De ce fait, apprendre à écrire n'est pas une activité anodine, elle nécessite pour l'élève l'appropriation de techniques mais aussi un prodigieux travail cognitif, c'est un véritable «transformateur cognitif» (Lahire, 1993). Cela explique que cet apprentissage ne va pas de soi : s'il repose sur le niveau de développement des élèves, il nécessite également l'élaboration d'un dispositif d'enseignement adapté; comme le soulignent Auzias et Ajuriaguerra (1986), il «requiert un certain niveau d'évolution du langage, une maîtrise de l'espace graphique, un certain degré de développement moteur, praxique et affectif. L'acquisition de l'écriture dépend aussi des méthodes d'apprentissage». C'est ce dernier point qui retient notre attention car la thématique du rapport au savoir, du rapport aux activités et aux apprentissages, est centrale en pédagogie. En effet, à l'école maternelle, le rapport aux objets de savoir est tout aussi présent qu'à l'école élémentaire ; cependant, pour la première, il est complexe, à la fois concret et abstrait. Tout en incitant l'enfant à établir un rapport concret aux objets de savoir par des activités de manipulation, par les jeux éducatifs, on l'initie à un autre rapport au monde plus distancié, médiatisé par les systèmes symboliques, notamment les langages (langue orale et écrite, langage mathématique, etc.). Très tôt en effet, l'enfant est placé devant des situations où il manipule des symboles et des signes : dessiner, schématiser, reconnaître des mots, son prénom, signer son travail, trier et classer des objets, créer des collections, etc. Ainsi, les systèmes symboliques sont sollicités en permanence. Or, ces systèmes sont des constructions humaines particulières qui ne se réduisent pas simplement à une reconnaissance et à une utilisation mais qui exigent de l'enfant d'effectuer un véritable «bond culturel» : passer de la pensée concrète à la pensée abstraite et, pour cela, modifier sa relation au langage oral (qui devient outil de pensée) comme sa relation au langage écrit tel qu'il le connaissait jusqu'ici.
L'apprentissage de ces savoirs s'effectue dans des situations d'«enseignement-apprentissage» où ils sont «mis en scène» et traités collectivement en classe pour une appropriation individuelle. Bien plus, ils constituent des objets de pensée, ce qui rend leur maîtrise si importante. Il faut donc ne pas perdre de vue que l'appropriation des systèmes symboliques est un véritable enjeu d'insertion scolaire, sociale et de développement personnel.
Présentation de l'éditeur :
Un ouvrage de référence pour permettre aux enseignants de mettre en oeuvre un apprentissage de base méthodique et efficace.
Les Instructions officielles donnent beaucoup d'importance à l'apprentissage de l'écriture, mais demeurent relativement floues sur le sujet. Cet ouvrage vise à combler ce vide méthodologique en donnant aux enseignants de maternelle des clés pour construire une réelle progressivité et une structuration des activités. Il s'appuie à la fois sur une longue pratique de classe en école maternelle et sur une démarche réflexive.
Dans une première partie, l'auteure pose le cadre théorique et didactique de l'enseignement de l'écriture. En rappelant le statut et les fonctions de l'écrit, en exposant les principes fondamentaux du dispositif d'apprentissage, elle met en évidence la nécessité de penser la pertinence des choix pédagogiques.
La deuxième partie propose des situations d'apprentissage commentées, en regard des programmes, pour les trois sections : PS, MS, GS. Une programmation à penser tout au long du cycle 1 est préconisée.
Enfin, des réponses aux questions récurrentes que se posent les enseignants sur cet apprentissage sont proposées en troisième partie. Elles concernent les modalités de travail, les supports et les outils, ainsi que les difficultés fréquemment rencontrées par les élèves.
Docteur en sciences de l'éducation, Marie-Thérèse Zerbato-Poudou est maître de conférences honoraire à l'IUFM d'Aix-Marseille.
Riche d'une longue expérience d'enseignante d'école maternelle en ZEP, Marie-Thérèse Zerbato-Poudou travaille plus particulièrement sur la problématique de l'apprentissage premier de l'écriture.
Elle soulève la question des relations entre activités graphiques et apprentissage de l'écriture en s'interrogeant sur le rôle des exercices graphiques traditionnels et fait d'autres propositions pour conduire ces deux activités.
Ce questionnement fait écho aux dernières instructions officielles qui soulignent la distinction entre les activités d'écriture, de graphisme et de dessin.
Par ailleurs, Marie-Thérèse Zerbato-Poudou pose les enjeux de la construction du rapport au savoir par l'élève à travers la compréhension des tâches scolaires, notamment par les relations entre consigne, guidage et évaluation, qui lui permettent de donner du sens à son apprentissage.
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