Extrait :
Extrait de l'introduction
Le soleil est sur le point de se coucher sur la région de Diez Coronas, au Mexique. Je galope dans le désert depuis quelque temps déjà. À la poursuite d'un hors-la-loi et d'une juteuse prime, à moins que ce ne soit une de ces périlleuses missions confiées par les révolutionnaires, je ne sais plus vraiment. Et finalement, quelle importance ? Je profite de la liberté grisante et de la beauté de ces paysages. La nuit ne va plus tarder, le ciel est rouge et se marie à merveille avec ces grandes roches qui m'entourent. Comme n'importe quel touriste dans ma situation, je cherche un point de vue un peu surélevé pour savourer le spectacle. Grandiose. Il manque peut-être un petit détail. Ah oui ! J'appuie sur le bouton X, et mon cheval se cabre. Le temps semble s'arrêter, tout est si parfait. À cet instant, je suis un cow-boy, un aventurier, le dernier des pistoleros. Je suis John Marston. Je suis en 2010, dans mon salon, en train de jouer à Red Dead Rédemption.
Pause. Comment est-ce possible ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Les jeux d'aujourd'hui sont fascinants. Il suffit simplement d'insérer un disque dans une console pour devenir le sauveur de l'univers ou champion du monde de football, star de la musique ou virtuose du bowling, combattant surarmé ou petit enfant dans un univers cauchemardesque, simple pétale de fleur ou bout de viande qui saute partout. Ou un père à la recherche de son fils disparu. Ou un assassin dans les rues de Venise pendant la Renaissance.
Les possibilités semblent infinies. Et elles le sont sans doute. La création ludique actuelle a quelque chose de vertigineux. On joue comme on part en voyage. On découvre des lieux, des personnages, des univers avec cette faculté quasi magique d'être présent, de pouvoir interagir avec ce qui se passe à l'écran. Et les images actuelles, détaillées et spectaculaires, permettent une immersion, inimaginable il y a encore quelques années.
Le jeu vidéo est tourné vers demain, vers le futur. Les constructeurs, les studios et les éditeurs de jeux préfèrent toujours s'interroger sur ce que seront les images et les interfaces à venir, oubliant très vite le passé. D'ailleurs pendant très longtemps, le jeu n'a eu presque aucune mémoire. Une situation qui s'est peu à peu arrangée avec l'avènement d'Internet. Des passionnés se sont regroupés pour effectuer un remarquable travail d'archiviste. Rien détonnant : les joueurs se souviennent toujours de leurs grandes expériences ludiques. Car elles sont toutes uniques. Personnelles. Un souvenir de jeu est lié au jeu lui-même, bien sûr, mais aussi à la façon dont on l'a vécu. Pour ma part, je joue depuis toujours. Je fais partie de la première génération qui a grandi avec le jeu vidéo. D'ailleurs, je suis né en même temps que lui, en 1972.
Un clone de Pongk la fin des années 1970 (non, malgré les apparences, je n'ai pas commencé au berceau !), les premières tables de bar Space Invaders et Pac-Man dans le restaurant-self du centre commercial, l'Atari 2600 chez un ami, le Commodore 64 et son lecteur de cassettes... Comme tous les joueurs, je connais parfaitement mon histoire en vue subjective, basée sur ma propre pratique. Je me souviens des frustrations et des moments jouissifs qui ont marqué mon parcours degamer. Tous ces univers visités, ces rencontres, ces récits, et ces défis sans cesse renouvelés sans jamais le moindre soupçon de lassitude. Mais c'est toujours la même question qui revient à chaque jeu marquant : comment en sommes-nous arrivés là ?
Un mot de l'auteur :
Journaliste, Erwan Cario écrit sur les jeux vidéo depuis 2001 au sein du journal Libération. Il est par ailleurs responsable d'Ecrans.fr, un site fils de Liberation.fr consacré aux cultures numériques, et animateur de l'émission hebdomadaire en ligne (podcast) " Silence, on joue ! ", sur l'actualité du jeu vidéo. Il est l'auteur de L'Année du jeu vidéo 2004, paru chez Calmann-Lévy.
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