Extrait :
Varize (Eure-et-Loir), l'un de ces innombrables villages dont le clocher est la seule prétention... En ce jour de 1939, rien ne vient troubler la quiétude des habitants. Chacun oeuvre à son labeur quotidien. L'abbé Moriceau a quitté de bon matin son presbytère, bien décidé à remettre de l'ordre dans l'église. Il y a ce retable contre le mur du choeur, si bancal maintenant qu'il menace de tomber à tout moment ; dans l'attente d'une éventuelle restauration, il est plus prudent de le remiser. Le bedeau est déjà là, disposé à lui prêter main-forte. Chacun se poste à un côté. Le meuble est lourd. Ils jouent des bras et des épaules, leurs joues se gonflent. Le bois grince contre les tommettes du sol. La poussière se soulève, les toiles d'araignées se déchirent. Trente centimètres de gagnés ! Encore un effort... Presque un mètre désormais ! Une pause, le temps de reprendre son souffle et de s'éponger le front. L'abbé se glisse le long du mur : il a cru apercevoir une tache de couleur, là dans le milieu de la paroi. Il s'approche ; l'enduit est bien écaillé et un point ocre d'une dizaine de centimètres de diamètre apparaît. Du bout des doigts, il gratte le badigeon et en détache facilement quelques fragments. Voici un oeil avec une pupille noire toute ronde, un deuxième et, bientôt, un visage entier se dessine. Il comprend l'ampleur de sa découverte. Après quelques jours de minutieux travaux, quatre scènes complètes se déploient : le Repas chez Hérode, le Baptême du Christ, la Descente de croix et les Saintes Femmes au tombeau. Datées du xiiie siècle, elles ne vont plus tarder à faire la renommée du village...
Près de cent ans plus tôt, la même histoire se produit dans l'église de Nohant-Vicq (Indre). L'abbé Périgaud découvre par inadvertance, sous l'enduit craquelé, un décor peint d'une splendeur unique. George Sand et son fils Maurice, célébrités locales, jouent de leurs relations et sollicitent Prosper Mérimée, alors inspecteur en chef des monuments historiques, pour oeuvrer à leur classement et protection. Ils font bien, car cet homme connaît l'intérêt historique et artistique de telles peintures. En 1835, lui-même s'émerveillait devant les images de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne), récemment dégagées, et, en octobre de la même année, il écrivait au ministre Guizot : «Je n'hésite pas à dire, Monsieur le Ministre, que, dans aucun pays, je n'ai vu de monument qui méritât à un plus haut degré l'intérêt d'une administration amie des arts.»
Présentation de l'éditeur :
Parmi les richesses artistiques qui embellissent les chapelles et les églises de nos villages, les plus émouvantes - et néanmoins les plus méconnues -sont les peintures murales qui en ornent les parois intérieures et, parfois, extérieures. Ces oeuvres exceptionnelles nous replongent dans le cadre et les mentalités de la société médiévale, une société où la foi et les croyances imprègnent les consciences. Les unes témoignent de la pureté romane ou du faste gothique ; d'autres annoncent le raffinement de la Renaissance ou restent fidèles à l'authenticité de l'art populaire. C'est à la découverte de ce patrimoine insoupçonné et fascinant que cet ouvrage, richement illustré, nous invite.
Diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris et titulaire d'une maîtrise d'histoire, Christophe Lefébure est à la fois auteur et photographe. Son principal sujet d'études est le patrimoine. Il a déjà publié de nombreux ouvrages dont, aux Éditions Ouest-France, Les Clochers, histoire et patrimoine de nos villages, La France des lavoirs, La France des cafés et bistrots, aux Éditions Privat, La France des croyances et superstitions aux Éditions Flammarion, Châteaux de famille, une élégance française aux Éditions du Chêne.
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