Voici l'un des derniers documents inédits sur la Shoah. Découvert eu Allemagne à la fin des années 1990, l'extraordinaire récit de Helene Holzman, écrit immédiatement après la défaite des Allemands, complète et recoupe les témoignages recueillis en Lituanie par Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman dans
Le Livre noir (Solin/Actes Sud, 1995). Tout commence en 1923 quand Max Holzman et sa femme, Helene, des Berlinois d'origine juive viennent s'installer, pour ouvrir une librairie de littérature étrangère, à Kaumas en Lituanie, ville cosmopolite où les communautés juive, polonaise, russe et allemande vivent en harmonie. Jusque-là florissante, la librairie fut d'abord boycottée à la fin des années 1930 par les Allemands, puis nationalisée, en 1940, à l'arrivée de l'Armée rouge. Avec deux enfants à charge, Marie et Margarete, âgées respectivement de dix-huit et seize ans, les Holzman sont contraints à la précarité. Mais le pire va advenir avec l'invasion de la Wehrmaht en 1941. Max Holzman est arrêté presque immédiatement et disparaît pour toujours tandis que sa fille Marie est fusillée quelques mois plus tard pour propagande pacifste auprès des soldats allemands. Helene Holzman, désespérée mais décidée à sauver sa cadette (une demi-juive selon les critères nazis), raconte, dans son précis et précieux témoignage, le quotidien sous l'occupation, la mise en place du ghetto et sa liquidation, les exécutions massives de Juifs avec la complicité d'une partie de la population locale - tout le cortège d'horreurs auxquelles on ne s'habituera jamais. Mais elle montre aussi comment quelques femmes de sa trempe se sont employées dans cet enfer quotidien à sauver le plus possible de vies humaines. Sa fille Margarete, qui a survécu, vit aujourd'hui en Allemagne.
Allemande d'origine juive du côté de son père, Helene Holzman (1891-1968) a été peintre, libraire, enseignante d'allemand et professeur d'arts plastiques. Brisée par la terreur nazie, elle a gardé secret jusqu'à sa mort le texte de son exceptionnel témoignage sur les années 1941 à 1944 passées en Lituanie. En 2000, sa fille rescapée, Margarete, le confie à un écrivain allemand qui l'a édité, annoté et préfacé. Ce poignant récit autobiographique (Cette enfant vivra, Actes Sud/Solin, 2002) a reçu le prestigieux prix allemand "Geschwister Scholl".