Extrait :
CONDAMNÉ À MORT !
Victor Hugo délaissa le manuscrit de L'Année terrible pour se saisir de la pile de courrier que l'on venait de déposer sur le coin de son bureau. Il écarta tout d'abord les journaux, les revues, les livres, et préleva une lettre venue des Caraïbes. Une inconnue, qui signait Maria Florès, le remerciait de son Adresse aux femmes de Cuba en lui rappelant cette phrase qu'il avait eue pour s'élever contre la répression sauvage que les Espagnols opposaient à l'exigence d'indépendance : «Un peuple ne possède pas plus un autre peuple qu'un homme ne possède un autre homme.» Il se revit, l'écrivant dans la pièce haut perchée de Guernesey, au temps encore proche de l'exil. Pendant un moment ses pensées dérivèrent sur l'océan. Le nom du bureau d'envoi de l'enveloppe suivante, Satory, mit fin à sa rêverie aussi brusquement qu'elle lui était venue. Il passa la pointe du coupe-papier sous la languette du verso et d'une vive rotation du poignet libéra une feuille pliée en deux, recouverte d'une écriture nerveuse. Si le nom de sa correspondante, Marie Carrier, lui était inconnu, les premiers mots de sa missive résonnèrent si fort en lui que ses mains se mirent à trembler. Il se laissa tomber dans son fauteuil pour en reprendre la lecture :
«Condamné à mort ! Voilà cinq jours que j'habite avec cette pensée, toujours seule avec elle, toujours glacée de sa présence, toujours courbée sous son poids. Mon époux, Valmore Carrier, debout face à ses juges, a reçu la sentence sans ciller alors que je m'effondrais au milieu d'un public venu là pour se repaître de la détresse des vaincus. Personne n'est venu me prêter assistance, bien au contraire. J'ai encore sur la peau les traces des pointes d'escarpins, la marque des talons, des embouts de cannes. Ils avaient tous dans le regard la lueur de haine qui consume à jamais les lignes de votre confrère, Dumas Fils, quand il écrivait au lendemain des exécutions sommaires de milliers de combattants de la Commune, de femmes, d'enfants : «Nous ne dirons rien de leurs femelles, par respect pour les femmes à qui elles ressemblent quand elles sont mortes.» J'aurais voulu être l'une de ces mortes, ne pas vivre ces instants où l'on vaut moins qu'une charogne. Je ne vous dirai pas que Valmore est innocent, je sais simplement qu'il a agi sous l'emprise de nobles convictions, que s'il devait être sacrifié, c'est une humanité entière qu'il faudrait conduire aux abattoirs de monsieur Thiers. On l'accuse sur la seule foi d'un papier non signé, comme il en arrive par centaines de milliers, en ce moment, dans les commissariats.
Présentation de l'éditeur :
Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont détenues chaque année dans les prisons françaises dans des conditions de promiscuité gravement problématiques.
La détention est alors pratiquée au mépris des règles, des conventions, de la loi et, tout simplement, du respect de la dignité de la personne inscrite dans la Constitution française.
Le travail des personnels en est également affecté.
Les effets cumulés de cellules surpeuplées produisent une forme de traitement que le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) qualifie de cruel, inhumain et dégradant.
Les incidents sont quotidiens, les grandes violences fréquentes allant parfois jusqu'au décès des personnes les plus vulnérables.
L'Appel pour le respect du numerus clausus en prison a pour objectif d'inscrire sans dérogation possible dans la loi la mise à disposition d'une place pour chaque détenu.
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