Le jour de la finale - Couverture rigide

Smadja, Brigitte

Couverture rigide

ISBN 10 : 2742773479 ISBN 13 : 9782742773473

Editeur : Actes Sud, 2008

Synopsis

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A propos du livre

Extrait :

A l'instant où ma respiration saccadée menaçait de cesser et que le bruit des pas se rapprochait, une porte surgit devant moi dont je saisis la poignée en porcelaine blanche : elle se désolidarisa aussitôt de son support, resta dans ma main fermée, et je compris l'impossibilité de toute échappatoire. Derrière moi, dans le couloir rouge, mes poursuivants invisibles avaient ralenti pour savourer leur victoire et, bien que sachant parfaitement l'urgence qu'il y aurait eu à me retourner pour voir le danger ne serait-ce que pour avoir une chance de l'affronter, je gardai une immobilité résolue, dussé-je en mourir. Lorsque j'ouvris les yeux, plus rien ne subsista si ce n'est une pointe minuscule fichée quelque part à la hauteur du coeur.
Malgré les stores baissés, la lumière filtrait, blanche et vive, et je sus qu'il était huit heures. Depuis plusieurs mois, le phénomène se répétait et me procurait un instant de jubilation comme si m'endormir en me disant Je dois me réveiller à huit heures et me réveiller sans aucune aide mécanique consistait en soi un exploit d'autant plus savoureux qu'il demeurait inexpliqué.
Les premiers sons que j'entendis, très doux, m'évoquèrent des instruments à percussion et il me fallut un délai de quelques secondes pour identifier la pluie, légère, irrégulière. Dans la nuit, il avait fait très chaud, et je n'avais pas trouvé le sommeil avant l'aube. Dehors, les nuages formaient une masse compacte et rien ne laissait présager la moindre trouée bleue dans le ciel. La fraîcheur avait quelque chose de miraculeux.
Allongée sur le dos, les mains derrière la nuque, je m'attardai sur le vert clair entre les deux arbres à l'écorce blanche d'un paysage de sous-bois, tableau placé juste en face de mon lit et qui, malgré Line facture médiocre, opérait sur moi un charme jamais démenti. J'écoutai ma respiration, un moment de calme absolu sans passé ni avenir, puis une voix me traversa, nette et sonore, et elle prononça comme une évidence sans conteste possible : "J'aurais dû le tuer." La violence de la phrase ne me fit pas tressaillir, elle se fondit dans le paysage en une succession d'échos jusqu'à être inaudible.
Je me levai d'un bond, enfilai un sweat-shirt et, pieds nus sur les tomettes glacées, de la moquette, pourquoi tu n'as pas voulu de la moquette dans notre chambre ?, je descendis dans la cuisine pour me préparer un café, gage que la journée se passerait bien, malgré tout.
J'ouvris la boîte métallique, humai le café et reconnus un geste de ma mère, celui de la suspicion généralisée qui lui tenait lieu de précepte de vie : se méfier de tout, des aliments, des voisins, des patrons, des politiques, des hommes, des enfants, des amis, bref, "ne jamais compter sur personne, pas même sur les camarades du Parti". Par quel mystère ce geste avait pu voyager jusqu'à moi alors que j'avais pris un tel soin à éviter le moindre rapprochement entre moi et une mère si avare de mots qu'elle avait caché jusqu'à sa maladie et s'était éteinte sans l'aide de personne, après avoir rangé ses armoires, mis ses affaires dans des cartons sur lesquels elle avait écrit au feutre noir le nom des destinataires, cartons dont un seul, minuscule, m'était parvenu et que je n'avais pas pris la peine d'ouvrir ?

Présentation de l'éditeur :

LE POINT DE VUE DES ÉDITEURS

Aubervilliers, petite villa début de siècle, glycine, jasmin, rosiers dans le jardin, et de l'autre côté du muret une seconde maison, celle de Maurice, vieillard bienveillant, témoin et ami de toute une vie.
Marianne, la narratrice de ce livre, a cinquante ans, elle vit seule depuis longtemps dans la demeure fleurie, ses enfants sont adultes et Simon, le plus jeune, se marie aujourd'hui.
Nous sommes en juillet, un samedi de finale du Mondial de football, l'été s'est installé sur Paris. Ce soir, les rues seront désertes, la ville encore plus belle, mais, pour l'instant, il n'est que huit heures du matin, Marianne ouvre les yeux sur cette redoutable cérémonie, ce cap étrange pour une mère, cette écrasante symbolique familiale et temporelle.
Pour la première fois depuis vingt ans, Marianne a peur de croiser le père de ses enfants, de se trouver confrontée à une image d'elle-même qui l'a toujours sidérée, peur d'être reléguée dans une histoire qui n'a jamais été la sienne.
En suivant le cheminement de Marianne au cours de cette journée si tumultueuse, Brigitte Smadja explore avec une extrême sensibilité les chemins du lien affectif, puis les révèle comme on le fait des images dans le secret d'une chambre noire.
Mais l'histoire de Marianne a lieu en plein soleil et il s'agit pour l'écrivain, bien loin de la chambre obscure, d'effacer enfin le cadre du lien pour libérer l'image.

Brigitte Smadja vit et travaille à Paris. Ses livres pour la jeunesse sont publiés aux éditions de L'Ecole des Loisirs, où elle dirige par ailleurs la collection "Théâtre". Le Jour de la finale est son sixième roman aux éditions Actes Sud.

À propos de cette édition

• Éditeur: Actes Sud
• Date d'édition: 2008
• ISBN 10: 2742773479
• ISBN 13: 9782742773473
• Reliure: Relié
• Nombre de pages: 176