Présentation de l'éditeur :
Edouard Limonov, l'auteur du génial Le poète russe préfère les grands nègres, fondateur en Russie du Parti national-bolchevique, n'est redevenu fréquentable qu'après son arrestation en 2001, son séjour en prison et son ralliement à Garry Kasparov dans le forum L'Autre Russie. Anna Politkovskaïa, la jour naliste assassinée, reconnaissait aux natsbols, les jeunes du mouvement, le courage d'aller jusqu'au bout de leurs convictions dans leur opposition au pouvoir en place.
Malgré ses activités politiques Edouard Limonov n'a jamais cessé d'écrire, et l'écrivain russe qu'il est ne pouvait rater l'occasion de raconter ses prisons, un genre littéraire à part entière depuis Dostoïevski.
D'avril 2001 à juin 2003, Mes Prisons relate, au fil de la plume, sa vie quotidienne en milieu carcéral. Au départ, c'est le FSB (ex-KGB) qui s'occupe de lui à Moscou, puis il est expédié en province à Saratov où aura lieu le procès. S'il se revendique avec ses amis comme «révolutionnaire», les prisonniers qu'il rencontre, à l'exception de Tchétchènes, sont des droits communs, des assassins, des voleurs, des délinquants sexuels, des pauvres gens... «La prison, c'est le domaine du gros plan. Tout y est proche et forcément exagéré.» Au bout du compte cet homme à la «vitalité de chat», ce «raté lumineux», nous montre l'envers du décor de la Russie de Poutine, une Russie dont la population carcérale approche le million.
Edouard Limonov, né en 1943, a été forcé à l'exil à l'époque de Brejnev. D'abord aux Etats-Unis, puis en France, il commence une carrière d' «écrivain tapageur» avec Le poète russe préfère les grands nègres (1980). Auteur prolixe, abondamment traduit en France, il part en Serbie avant de regagner la Russie où très vite il s'opposa au pouvoir en place, ralliant à lui la jeunesse radicale.
Extrait :
Sotchan fut extrait le dernier. Il sortit du mitard le visage mangé de barbe, des cernes sous les yeux, le teint bistre et les joues creuses. Son vieux survêtement d'un vert grisâtre pendait sur une carcasse fatiguée. Il était visiblement excité et heureux de nous voir réunis dans la salle des parloirs avocats. Il s'avança jusqu'au centre de la pièce où nous étions tous installés dans des poses diverses.
- Quelqu'un aurait une cigarette ?
Les gars explorèrent leurs pantalons et le creux de leurs aisselles et brandirent des cigarettes aplaties extirpées de ces cachettes, tandis qu'il serrait nos mains tendues.
Après avoir tiré une bouffée, Sotchan voulut se dégourdir les jambes au milieu de la salle et on lui fit immédiatement de la place.
- Hé, ça me fait tourner la tête !
Il tituba très légèrement. La nature l'avait doté d'une stature au-dessus de la moyenne.
- J'ai le tournis... Vingt-quatre heures sans fumer. Les débats vont commencer aujourd'hui et là le procureur va me tailler un beau costard. Encore heureux si je m'en tire avec vingt ans.
Il esquissa un sourire las.
- Ils ne m'ont même pas laissé me préparer pour les débats.
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.