Présentation de l'éditeur :
LE POINT DE VUE DES ÉDITEURS
Walter Benjamin, philosophe, auteur notamment des Passages, des Chroniques berlinoises, a passé sa vie à tenter de comprendre le monde en lisant. Il lisait tout, aussi bien les contes pour enfants que les textes de théâtre ou les écrits des philosophes. Il s'intéressait à tout : au devenir de l'image, à la technologie, à la poésie (il fut un grand spécialiste de Baudelaire), mais aussi à la littérature (il fut le premier introducteur et traducteur de Kafka en France et, quand il fit sa "première conférence sur lui à Paris, il y avait cinq personnes dans la salle...).
Son oeuvre est considérable dans bien des domaines, et fragmentaire. Son existence aussi est fascinante. Mais comme lui-même ne pensait pas que la vie de chacun, en tout cas la sienne, était intéressante, il fallait, pour ne pas le trahir, la raconter en partant de ses textes, et les expliquer par les circonstances de la vie.
La méthode de Bruno Tackels s'avère passionnante, car Benjamin eut une vie amoureuse et amicale ô combien fournie et aventureuse. On pourrait même le qualifier d'aventurier. Ami de Brecht et de Scholem, cousin d'Hannah Arendt, issu d'une famille bourgeoise, Benjamin rompt très jeune avec son milieu familial et, dans les cercles intellectuels de Berlin, veut opposer sa vision du monde à la déliquescence de Weimar puis à la montée du nazisme. On connaît hélas le sort des intellectuels antifascistes : réduit à s'enfuir d'Allemagne, Benjamin ira se réfugier à Paris, cette ville qu'il aimait tant et sur laquelle il a tant écrit, puis, progressivement, se précarisera.
Bruno Tackels raconte la lente dérive de cet immense intellectuel qui ne peut vivre sans sa bibliothèque, et sa transformation inéluctable en clochard céleste. Au moment de l'invasion allemande, Benjamin, après avoir été interné dans un camp de transit, retrouve ses amis exilés à Marseille. C'est là qu'il décide de s'enfuir par la frontière espagnole, là qu'il décide de se suicider.
Appuyé sur un travail gigantesque nourri par la découverte d'inédits, l'auteur engage ici une démarche très personnelle : le livre s'ouvre sur la lettre qu'il envoie à Benjamin par-delà la mort.
Philosophe, essayiste et dramaturge, Bruno Tackels a déjà écrit deux essais sur Walter Benjamin : Petite introduction à Walter Benjamin (L'Harmattan, 2001) et L'Œuvre d'art à l'époque de Walter Benjamin (L'Harmattan. 2000). Il a également coordonné un colloque important consacré à Benjamin, à Cerisy-la-Salle, en juillet 2006.
Producteur d émissions et chroniqueur à France Culture ("Tout arrive "), il enseigne également l'histoire du théâtre contemporain. Il dirige la collection "Essais" aux Solitaires intempestifs et a publié deux essais sur le théâtre : A vues (Christian Bourgois. 1997) et Fragments d'un théâtre amoureux (Solitaires intempestifs. 2001). Chez Actes Sud-Papiers, il est l'auteur d'un essai sur Didier-Georges Gabily. Avec Gabily, voyant de la langue (2003).
Revue de presse :
La biographie dont je vais parler aujourd'hui est l'une des plus belles, des plus originales et des plus passionnantes que j'aie lues de ma vie. Elle est l'oeuvre de Bruno Tackels et s'intitule Walter Benjamin, une vie dans les textes. C'est la première fois à ce point que le biographe offre au lecteur une réflexion en même temps qu'une vie. Ce livre révolutionne à lui seul la notion même de «biographie» : Tackels, de manière vertigineuse, nous livre une vie de Benjamin qui jamais n'est là pour expliquer l'oeuvre, de même qu'il s'interdit, symétriquement, de décrypter la vie à partir de l'oeuvre protéiforme du philosophe allemand, né en 1892 et suicidé en 1940. Ici, de manière inédite, je crois, les écrits du penseur sont sans cesse entremêlés d'extraits d'existence, comme pour les appuyer, les illustrer, mais les actes à leur tour, digérés par une cohérence supérieure, s'intègrent à l'oeuvre comme naturellement. L'oeuvre et la vie s'entre-digèrent...
Rien n'est annexe, rien n'est secondaire, rien n'est anecdotique pour le véritable philosophe : les accrocs du réel, les interstices des grandes dates, les miettes de l'Histoire. Aucun système ne saurait en rendre compte : aussi faut-il émietter la pensée elle-même, la fragmenter : alors, elle épousera les reliefs du réel, elle coïncidera avec ses aspérités, elle fera parler ses particularités. (Yann Moix - Le Figaro du 23 avril 2009)
Dans son imposante étude biographique, Bruno Tackels s'efforce de prendre à revers les règles du genre : il n'interprète pas les écrits de Benjamin à travers les événements vécus, mais fait apparaître que cette oeuvre même est pour son auteur une manière d'interroger sa propre existence. De sorte que l'ensemble éclaté de ses textes "esquisse un gigantesque autoportrait continué". Une oeuvre-vie pareille à ces passages parisiens qui ont tant fasciné Benjamin, et dont les galeries ouvrent l'accès à une ville inconnue cachée au sein de la ville elle-même, faite de faux-semblants, de "grottes féeriques", où "règne le jeu des ambiguïtés permanentes et des doubles significations". La parcourir comme le fait Tackels, en flâneur érudit et curieux, est une manière de se montrer fidèle à ce qui était l'axiome fondamental de la pensée de Benjamin : "Une parole vive ne trouve sa vérité que bien après sa mort." Loin d'étouffer sous le poids du matériau colossal réuni par le biographe, on a le sentiment que l'épais volume s'ouvre autant qu'il le peut pour laisser la place à cette vérité. (Stéphane Legrand - Le Monde du 8 mai 2009)
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