Le discret Mister Blue de
Reservoir Dogs eut une vie avant d'étaler son faciès vérolé sur le grand écran. Bunker, le bien nommé, était l'auteur d'un traité postcarcéral sans égal publié en 1973 et alors épuisé outre-Atlantique. L'une de ces vraies fausses autobiographies qui ne s'encombre d'aucune couenne littéraire. La chair, les os et les tripes suffisent à faire de ce roman noir un aller simple pour l'enfer d'une vie toute tracée dès le berceau. Un parcours horriblement classique, balisé et implacable : problèmes familiaux, délinquance juvénile et au bout une succession de séjours "au château"... Rien de vraiment neuf, si ce n'est la violence aride, impitoyable, voire clinique, avec laquelle Edward Bunker décrit le quotidien du taulard en liberté conditionnelle et, surtout, l'impossibilité de modifier, voire seulement de rectifier une destinée ou de réécrire ce scénario. Son héros, Max Dembo (Bunker lui-même, évidemment), s'applique ainsi consciencieusement en sortant de prison à ne pas s'engouffrer dans les culs-de-sac de son passé. Mais le milieu et la prison sont des aimants dont on n'interrompt pas l'attraction à coup de rédemption. La cavale se fait alors allégorique, avec un terminus on ne peut plus kafkaïen.
En 1978, Dustin Hoffman achètera les droits d'Aucune bête aussi féroce, confiant à Ulu Grosbard la mise en scène de l'adaptation. Le film, Le Récidiviste (Straight Time), superbe road movie nu comme un haïku, amplifiait ce sentiment tragique d'impossible rachat. Bref, Aucune bête aussi féroce confirme que le roman noir demeure un genre idéal pour sonder l'esprit humain. Dostoïevski ou Chandler s'en doutaient bien ; Bunker n'eut qu'à confirmer. --Marc Zisman
En liberté conditionnelle, Max Dembo essaie de reprendre une existence normale. Mais la réinsertion est une gageure quand on sort de prison. Rejeté par la société, il est aussi irrésistiblement attire par les bas-fonds de Los Angeles, milieu ou il a toujours vécu. Violent, incontrôlable, il replonge dans la criminalité. Monument de la littérature carcérale, hyper-realiste, en partie autobiographique, aucune bête aussi féroce est également un modèle d'analyse de la psychopathologie criminelle. Ce roman, qui a fait connaître Edward Bunker, a été adapté au cinéma sous le titre le récidiviste, avec Dustin Hoffmann.