Présentation de l'éditeur :
LA MÈRE «Maman téton est fâchée», lit-on en 1680, chez Richelet, en guise d'illustration pour une formule chère aux enfants d'alors désignant ainsi leur nourrice. «Mère : Celle qui a mis au monde quelque enfant. L'animal femelle qui a fait des petits», rappelle par ailleurs l'Académie en 1694, en l'assortissant de l'exemple «Bonne mère, mauvaise mère». A Furetière de souligner combien la «mère adoptive» est aussi profondément maman, mais attention, ajoute-t-il à l'adresse de toutes les mères : «l'amour maternel est grand, mais il n'est pas toujours sage» ! D'où le rappel d'Elisabeth Badinter qui préface cet ouvrage et insiste : l'amour maternel est un sentiment humain et «comme tout sentiment, il est incertain, fragile et imparfait». On n'en comprend que mieux la Fête des mères, de célébration nationale récente, mais bénéficiant de très lointaines origines, telles que les Matronalia romaines. Parcourir plus de cinq siècles avec force témoignages et expressions (doux comme la tète de sa mère), proverbes (les disons veulent mener paître leur mère) et formules (Mère aux chats, à poux, des cailles, Mère Garuche, Ancelle, lyonnaise. Poularde, Denis, etc.), tel est le voyage ici proposé dans l'histoire et au coeur de la langue. Quant à la sinistre mère au bleu, l'index vous en indiquera la page d'explication...
LES AUTEURS Samuel Souffi, diplômé en sciences du langage et riche d'une expérience de documentaliste, et Jean Pruvost, professeur à l'Université de Cergy-Pontoise, se passionnent pour l'histoire des dictionnaires et des mots de la langue française. Chroniqueur de langue sur Canal Académie et Directeur éditorial des éditions Honoré Champion, ce dernier aime à faire partager l'ivresse ressentie au contact de sa collection de dictionnaires, plus de dix mille...
LA COLLECTION CHAMPION LES MOTS dirigée par Jean Pruvost offre un voyage totalement inédit au coeur des mots, à travers les dictionnaires du XVIe siècle à aujourd'hui, voyage propre à surprendre et enchanter celles et ceux qui veulent découvrir ou approfondir le thème présenté.
Extrait :
Extrait de la préface de Elisabeth Badinter
Les dictionnaires sont irremplaçables parce qu'ils sont l'expression des connaissances et de l'idéologie dominante à un moment donné de l'histoire. Une petite restriction cependant : jusqu'à une époque fort récente, ils étaient tous de main d'hommes. En conséquence les définitions de la mère qu'offrent les multiples dictionnaires français depuis le XVIIe siècle racontent la mère, ses devoirs et ses vertus du point de vue masculin. Il n'est pas sûr que des femmes auraient écrit différemment sur le concept de mère, tant le poids de l'idéologie pèse sur tous, mais comment éluder la question ?
Depuis que les femmes ont pris massivement la parole et la plume dans la seconde partie du XXe siècle, la maternité est sur le grill et la mère admirable que l'on nous a décrite paraît relever davantage d'une utopie que de la réalité vécue. Que nous disent tous ces hommes des siècles passés ? Que la mère est spontanément tendre, dévouée jour et nuit à son petit, voire sacrificielle : «Aimer souffrir : voilà la mère !» (1841). Recluse dans sa maison, telle la religieuse dans son couvent, dixit Rousseau, la maternité est le seul destin honorable et enviable de la femme. Mère et femme ne font qu'un. Lorsqu'une femme devient mère, la première s'efface pour n'être plus que la seconde. Oubliées sa féminité et la séduction, elle peut vieillir sans regret, nous dit-on, car elle a accompli le plus sublime acte de l'humanité (1849).
Quid alors de celles qui ne répondent pas à ces critères obligés ? Après avoir été longtemps laissée dans l'ombre comme la malheureuse exception qui ne remet pas en cause la loi naturelle, on a peu à peu fait une petite place à la mauvaise mère «dénaturée», réservant le terme de «marâtre» à la belle-mère qui n'a pas de liens du sang avec les enfants de son mari. C'est le Larousse du XIXe siècle qui prend acte que la mauvaise mère peut aussi être la mère naturelle : «Femme dure, impitoyable, qui traite inhumainement ses propres enfants ou ceux de son mari» (1876). Madame Lepic, mère de Poil de Carotte (1894), viendra confirmer avec éclat la définition de la marâtre génétique.
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